Charley le Borgne est un western très étrange. Séduisant, et pourtant, avec un quelque chose de pas très abouti. Formellement, déjà, c’est la misère quasi générale. Difficile d’imaginer que le réalisateur de ce film a réalisé Jason et les Argonautes, un des blockbusters de son époque, car Charley le Borgne semble être fait avec 2 francs. Dès le début on a un flashback avec une image hyper crade semblant avoir été tourné au caméscope des années 60. Ensuite on a des stock shot un peu pourris, puis tout au long du film ça sent l’amateurisme. Par exemple cette scène où un personnage mort respire à plusieurs reprises et de façon très visible à l’image. Heureusement, la photographie vraiment granuleuse et le dénuement général des décors et de la figuration arrivent à être exploités par le réalisateur pour renforcer le côté austère et grisâtre de son métrage. Clairement, l’ambiance est étrange, envoutante, inquiétante, et ça sent le vrai far west. On imagine bien l’ouest comme ça. Cruel, sans vrai héros, violent et désespéré. Le métrage est d’ailleurs bien violent avec quelques scènes aux limites de l’horrifique.
Le scénario est simple. Très peu de personnages, une durée d’1 heure 20, Charley le Borgne fait dans l’intrigue minimaliste. Est-ce mal ? Non, car le rythme est plutôt bon, les séquences prenantes ne manquent pas, et la radicalité du film lui permet de toujours surprendre car on est plus forcément habitué. Par ailleurs le métrage introduit frontalement des questions brûlantes d’actualité, montrant le racisme sous un angle original, très cash mais également très juste (le racisme peut aller dans tous les sens !). Pas de langue de bois, ça fait plaisir ! A noter un final impressionnant en terme d’émotion et de climax.
Le casting est brillant. Perso, j’ai trouvé Richard Roundtree en surrégime dans la première partie du métrage, surjouant son personnage. Heureusement, ça s’améliore nettement au film du métrage. Roy Thinnes lui est impérial, trouvant peut-être son meilleur rôle en indien très crédible. Nigel Davenport est également brillant, même s’il apparaît peu. Il est redoutable de réalisme. Les personnages ont une réelle épaisseur.
Pour ma part Charley le Borgne est un bon film, mais qui fait quand même très fauché à l’image. Si Chaffey arrive à exploiter certaines de ces limites à son avantage, créant une ambiance réellement unique, on ne peut pas nier le fait que c’est parfois bancal. En ajoutant des défauts par ci par là, comme Roundtree qui en fait des caisses dans les 20 premières minutes, on a l’impression d’un métrage un peu brouillon. Mais l’expérience de visionnage vaut le coup. 3.5