Visconti, c’est une Palme d’Or à Cannes, un Lion d’Or à Venise, des chefs d’œuvre à la pelle et une filmo presque exclusivement composée de classiques. Voilà, ça pose le décor. Le maître, puisqu’il faut bien appeler un chat un chat, croque ici des magnats de l’acier germanique, en pleine effervescence depuis qu’Adolf est devenu Führer. La dynastie est disparate : l’intègre, la perfide, le déviant, l’ambitieux, le vieux loup, l’innocente, l’éventail des courants qui la secouent est riche. Et il faut dire, magnifiquement mis en images. Les acteurs au toucher théâtral rivalisent de prestance et de tempérament dans le décor d’époque, enluminé de compositions symboliques tout en clair-obscur. Un cadre où chaque élément, son, grain, prise de vue, performance s’accorde pour alimenter les rayons des écoles de cinéma. Oui, sauf que devant ce cadre, il y a l’intrigue, équivoque, dérangeante, oppressante. C’est qu’il n’est pas que des héros chez ces collabos par naissance. Alors bon, évidemment, tout ça paraitra probablement un peu vieillot aux yeux du jeune spectateur d’aujourd’hui. Un demi-siècle après sa sortie, pensez, l’impact s’est quelque peu émoustillé. Il n’empêche, c’est dans ce cinéma, puissant, amoral et beau, qu’on reconnait le véritable septième art.