Un véritable classique du cinéma, qui je l'avoue, m'avait complètement échappé. Participer à une soirée entre cinéphiles et dire ouvertement que l'on a jamais vu Cris et chuchotements, c'est à coup sûr se prendre en pleine gueule le regard plein de dédain de toute l'assemblée. En même temps, je ne participe jamais à des soirées de merde comme celles-ci, donc j'ai juste regardé ce film pour satisfaire ma curiosité.Réalisé en 1973 par le grand Ingmar Bergman, le pape suédois du cinéma intello, Cris et chuchotements mérite sa réputation de film d'auteur exigent. 1973, c'est aussi la date de sortie du film l'Exorciste! Les puristes me crucifierons bientôt en lisant ces lignes, mais en 1973, on pouvait donc se mater deux grands films d'horreur au cinoche!Cris et chuchotements, c'est selon moi un véritable film d'horreur réalisé par un esthète philosophe. Le lieu déjà : un manoir recouvert de tapisseries rouge sang, un lieu de villégiature que le conte Dracula aurait sans doute bien kiffé. Vient ensuite la présence oppressante de la mort, une présence presque palpable qui imprègne tout le film. On rajoute la dessus la jeune cancéreuse qui n'a de cesse de hurler de douleur pendant les 30 premières minutes et on a déjà un bon film d'horreur made in Ikéa. Ces scènes de douleurs n'ont presque rien à envier aux séquences d'exorcismes de la chtite Regan, c'est pour dire... Bergman les filme en gros plan et étire leur durée afin que le spectateur ressente bien l'horreur de la situation. Spoiler: A la fin du film, livide et allongée dans son plumard, Agnès décède et revient d'entre les morts pour causer à ses sœurs. On termine donc la recette du film de flippe par l'apparition d'une morte vivante! Perso, j'ai trouvé tous les ingrédients d'un bon film de genre à l’intérieur de Cris et chuchotements, que cela vous plaise ou non. Et qui se chargea d'acheter le film pour sa distribution sur le sol américain? Roger Corman himself!Le drame psychologique féminin, marque de fabrique du cinéaste, est ici traitée de manière bien spécifique. On assiste pas réellement à un jeu de massacre entre frangines comme le laisse supposer le pitch, mais plus à une démonstration hallucinée du long processus qui a mené les héroïnes à la folie. Enfermées dans leurs corsets, coincées dans leur château et étouffant sous les bonnes manières de la haute société suédoise de l'époque, les sœurs sont logiquement en mode nervous breakdown. "Ne jamais faire étalage de ses sentiments", voilà ce qu'on a inculqué à ces femmes. Le résultat: Une sœur aînée chaude comme l’antarctique et heureuse comme une petite fille dont le chiot vient de mourir sous ses yeux, et puis une sœur cadette, une manipulatrice au comportement bien chelou.Et l'on ne peut parler de Cris et chuchotements sans aborder le travail dantesque du directeur de la photographie Sven Nykvist. Le film est un régal pour les mirettes! Éclairage naturel, flous ultra maîtrisés, rouge pétant à tous les étages, du Le Caravage en live, bref, la claque totale! A noter quand même que le film est un peu ennuyeux par moment et qu'il fait parfois penser au sketch "Le Doutage" des inconnus, sketch d'ailleurs fortement inspiré par le film de Bergman. Cris et chuchotements n'est pas la bombe ciné à laquelle je m'attendais, mais le film reste impressionnant par sa maîtrise technique et son unicité.