Époustouflante interprétation de la part de Robert de Niro, qui au fil du film fait oublier l'acteur au profit du rôle. Jake La Motta, véritable brute sanguinaire aussi bien sur le ring qu'en dehors, cache-t-il un coeur d'or à l'intérieur? C'est en tout cas ce que le spectateur se surprend à espérer tout le long du film, Scorcese introduisant avec brio de l'ambiguité là où il n'y en avait pas, à l'évidence (
Pendant une heure on se demande s'il est vraiment violent avec ses compagnes. Et sa femme le trompe-t-elle vraiment?
) Quand on voit cet homme, perdu et isolé dans sa célébrité, n'ayant personne comme appui sinon son Brother, on se prépare déjà à légitimer n'importe lequel de ses méfaits. Car entre violence conjugale et corruption, ils ne manquent pas. Scorcese parvient à mettre en image les tiraillements d'une bête féroce qui se veut humain. Sa nature, qui transparaît à la fois dans ses combats d'une violence inouïe et dans son rapport aux autres, refuse de laisser le pas à sa volonté d'être bon, qui émerge de temps à autres, dans des scènes assez fortes. Mais même si les combats sont magnifiquement filmés, entre réalisme et esthétisme, je trouve que ces scènes clés, où le pitbull enragé veut laisser place à l'agneau attentionné, ne sont justement pas assez fortes. Très bien cadrées, usant d'un éclairage parfois virtuose sur fond de noir et blanc (la scène dans la prison, ou la dernière scène de combat), certes. Mais à mon goût pas assez emphatiques avec le spectateur. La mayonnaise n'a jamais vraiment pris chez moi, avec ce sentiment, très désagréable quand il survient, de voir un cinéaste narcissique. Scorcese m'a semblé user de son génie pour lui tout seul. Il s'est regardé filmer, en quelque sorte. Tous les efforts formels du film apparaissent comme des artifices aux yeux du spectateur qui est resté extérieur à celui-ci. Bien sûr, Raging Bull est un film culte qu'un cinéphile serait bien avisé de voir au moins une fois. Rien que pour sa signature: il n'y a jamais eu, et il n'y aura jamais, d'autre Raging Bull. Mais aussi pour l'interprétation de De Niro, qui restera sans doute comme l'une des plus saisissantes de l'histoire du cinéma. Enfin, pour se faire sa propre idée du génie de Scorcese. Beau dans son propos, décevant dans sa réalisation: voilà la mienne.