Le film « Control » est un film photographique, finement tourné, au point que l'on pourrait tirer un cliché magnifique et singulier de chaque plan. Le réalisateur nous happe par la beauté sombre du noir et blanc de la pellicule qui « manichéise » en quelque sorte le comportement du chanteur. Rapidement le malaise s'installe. Les longueurs du film, les pauses sourdes du personnage pensif, et les séquences quasi photographiques contrebalancent les épisodes saccadés et épileptiques des crises du personnage, réellement malade ou en proie à une simulation gestuelle inconsciente de l'épilepsie dans ses prestations musicales et scéniques. Mal-être introverti et paradoxalement saillant. Ian Curtis ne parle pas, ne dit pas son mal, et pourtant le transpire irrémédiablement dans son chant, et ses choix de vie. Il aime très fort, se déteste très fort, il est entier et se blesse constamment l'esprit, nerveux et meurtri.
Ian Curtis ne chante pas vraiment, il prie son désespoir en musique. Il clame ses textes, sa noirceur, son malaise, sa peur de la vie, de la mort, de sa maladie, de ses erreurs de jeunesse. A force de vouloir faire trop vite comme dans la vie « normale » (un mariage, un bébé), et ne supportant pas l'idée de se savoir malade, il s'éloigne de la vie tout court quand il commence à toucher le fond, à se livrer, trop et de plus en plus à son public.
Il se livre, il se donne, il s'épuise, il se nie.
Le groupe Joy Division en lui-même n'est pas formidable mais il puise son charisme dans une énergie noire marginale, émergeant de battements et de pulsions musicales troublantes. Le groupe Joy Division est Ian Curtis.
Les groupes modernes comme Interpol ou The Editors (que j'adore au passage) n'ont rien inventé. Je m'en rends bien compte, là, amère, en réécoutant Joy Division.
Eprouvant.
C'est extrêmement pesant d'entrevoir ne serait-ce qu'un peu de l'asthénie psychologique de Ian Curtis. Le film « Control » révèle très bien cet état de vide, de mal-être