En mettant en images le roman de Diderot et en confiant à Anna Karina, actrice icônique des années 60, le rôle de la Religieuse, Suzanne Simonin, Jacques Rivette a fait sursauté la sphère catho intégriste qui a réussi à faire interdire provisoirement le film, interdiction qui permit au film de connaitre un gros succès lors de sa sortie en 1967. Merci qui?
Pour autant, le film n'est pas en soi un brûlot; il ne fait que transcrire assez fidèlement le sujet de Diderot. Rivette n'attaque évidemment pas la foi. Mais il met en scène la triple peine de Suzanne,
la prononciation sous la contraine de ses voeux, sa rebellion qui lui vaut des mesures de rétorsion sadiques puis, changeant de couvent, l'initiation au saphisme
, imagée, pour ne pas dire éludée, de façon bien prude par Rivette.
Le film est long, trop sans aucun doute, car dans un style épuré et dépouillé façon vie monacale, Rivette flirte avec la redondance et l'ennui. Sur le sort fait aux filles dont la famille veut se débarrasser, sur les moeurs peu reluisantes du couvent, des soeurs et des mères supérieures, la leçon est vite acquise. Le ton et les images sont souvent affectés, compassés, suivant le hiératisme ambiant du couvent; la gestuelle peut paraître théatrale et emphatique par moments, soulignant un certain archaïsme. D'autrefois, quand Anna karina se découvre, la liberté de ses cheveux et son décolleté font d'elle une héroine moderne, émancipée par sa révolte.
Sur un plan formel, Rivette propose par instants des plans et des lumières qui semblent inspirés par des tableaux de maîtres. Il exprime plus ou moins légèrement le contraste
entre les deux couvents
fréquentés par Suzanne, l'un sordide avec musique et rafales de vent lugubres à l'appui, l'autre guilleret et lumineux, avec chants d'oiseaux en fond sonore...
En définitive, Rivette signe sans doute une adaptation efficace en ce sens où l'on prend pitié de Suzanne, qu'on fait nôtre sa révolte et que, selon notre sensiblité, il se peut qu'on sorte du film plus anticlérical que jamais!