Un film intéressant qu’eXistenZ mais dont la trame scénaristique reste tout de même alambiqué de façon un peu exagérée, et dont la narration assez lourde n’est pas forcément très percutante. Reste qu’on passe un moment très plaisant grâce à l’inventivité du réalisateur. Le film est un concentré des obsessions de Cronenberg, qui signe ici un de ses films les plus personnels. Effets spéciaux crades et à l’ancienne toujours pertinent, ambiance glauque très bien faite, effets horrifiques au rendez-vous, mise en scène pleine de subtilité, Cronenberg signe un film visuellement séduisant, à condition de ne pas être repoussé par l’aspect poisseux du métrage. On évolue dans un monde sans lumière et sans espoir, sans amour, décharné, et cela peut rebuter, mais force est de constater que c’est très réussi à ce niveau.
L’interprétation est de qualité, même si on pourra regretter quelques seconds rôles assez timides. Finalement, si Jude Law et Jennifer Jason Leigh forment un duo séduisant, et efficace, en dépit du jeu très éthéré de Leigh qui pourra déconcerter mais qui reste plaisant, les seconds rôles peinent à se faire une place, alors même qu’il y a d’excellents acteurs. Dafoe est le seul qui m’a vraiment fait plaisir dans les seconds rôles, offrant un des passages les plus sympas du film !
Le point qui m’a rendu plus perplexe c’est l’histoire. Bonne idée de départ, de l’inventivité, un certain rythme, mais aussi un manque d’enjeux, des questions parfois effleurées qui peinent à être totalement exploitées (notamment la relation virtuel-réel), notamment sur la fin. Cronenberg donne l’impression de vouloir dire quelque chose, mais il la désamorce juste après avec un rebondissement contradictoire, de sorte qu’il noit son propos. Curieusement, et à regret quand même, eXistenZ est un des films qui brassent le plus d’idées inédites et philosophiques, éthiques aussi, dans le cinéma de Cronenberg, mais le film peine à s’afficher autrement que comme un luxueux divertissement avec un fond plus prometteur que réellement creusé. Sans doute le réalisateur s’est-il un peu pris les pieds avec trop de pistes à exploiter, mais cela n’enlève rien au plaisir qu’on peut avoir devant le métrage.
Manque d’enjeux et pas assez d’approfondissement dans le propos du film, mais de belles qualités malgré tout, encore une fois sur la forme, chez un Cronenberg que j’ai toujours beaucoup plus considéré comme un plasticien que comme un narrateur de talent. 3.5