Hormis le nouvel an celtique, ce que constitue le 31 octobre s’ancre dorénavant dans une culture populaire qu’il est important de reconsidérer. Si cette date s’illustre par la cohabitation entre le monde des morts et le royaume des vivants, le temps d’une nuit, c’est avant tout pour rendre hommage aux défunts afin de garder un contact solennel avec les souvenirs qui nous précèdent. Or, John Carpenter prend le parti d’exploiter cette culture à des fins plus emblématique dans le 7ème Art. La figure de cette entité émanant d’outre-tombe est retrouvée en la personne d’un tueur. Il s’agit ni plus ni moins d’un corps dépourvu d’humanité, que l’on parvient à retranscrire le mal à l’état pur qui se répand comme la peste.
Très proche de « Psychose » dans l’énergie qu’il dégage, le film de Carpenter emprunte néanmoins une démarche plus conventionnelle, au sens cinématographique du terme. Il cherche avant tout à nous insuffler de la peur et le sentiment d’insécurité que l’on retrouve en la caméra, qui se place essentiellement sur le point de vue de Michael Myers, le croque-mitaine d’Haddonfield. Les personnages que l’on suit en permanence constituent donc des cibles et le récit nous entraîne inévitablement dans un bain de terreur. Ce subtil stratagème, pourtant très simple d’utilisation, nous invite à prendre les distances vis-à-vis du tueur, car bien que ce soit lui qui commette les crimes atroces, nous pourrions presque avoir l’impression de faire partie du spectacle sanglant. Cela fait également écho aux quartiers de banlieue dans l'Illinois, où d’autres États, en insistant en permanence sur le jeu du regard et de la perspective. Les voisins s’épient entre eux, avec une indifférence glaçante. Dans le cas de ce récit, la vision de Michael est plus agressive, car on en vient à isoler et à enfermer les cibles dans un cadre qui ne leur laissera aucun répit.
Sa démarche, lente et furtive, nous saisit d’autant plus qu’il compose magnifiquement les plans les plus marquants. Une apparition n’est pas synonyme de rage. Il existe une finesse dans chaque agression, aussi bien dans le fond que dans la forme. Les vices, notamment liés à la drogue, l’alcool et le sexe sont prohibés dans un contexte plus global sur des terres en pleine déchirure. Ces valeurs sont ainsi visées, car elles entrent en collision avec l’incarnation du mal même, la cohabitation n’est donc pas possible et l’un des deux prend inévitablement le dessus. Dans le cas de Laurie Strode, campée par une Jamie Lee Curtis authentique et iconique pour ses cris, elle défend toute l’innocence liée à l’enfance, chose qui a grandement conditionné le mal en puissance chez Michael à son jeune âge. Si le destin des deux personnages est incertain jusqu’aux derniers instants, il reste néanmoins la libre interprétation d’une expérience fantastique ou non.
Carpenter a bien su mener son jeu, en réalisant un « Halloween, La Nuit des Masques » qui dépasse largement les attentes du public. Son œuvre travers encore les générations afin de forger cette culture de la peur, souvent banalisée, mais qui aura eu l’impact qu’il fallait afin de donner un sens et un tremplin dans le cinéma d’épouvante-horreur, voire fantastique. Le personnage de Myers, où le diable habite une enveloppe humaine, observe toujours ses proies avec un regard si imposant, mais avec une telle stabilité que le spectateur en est déconcerté et il doute de la véritable identité de ce fantôme d’une nuit. Lutter contre cette entité revient à s’opposer à la fatalité, s’opposer à la mort qui nous est inévitable d’une certaine manière. Et c’est là tout l’enjeu d’une intrigue qui ne perd pas de temps à poser les questions. On ressent et on agit, la peur se développer d’elle-même. Retenons donc que peu de chose, dans ce discours qui essence avant tout les prouesses de mise en scène, avant de penser aux analogies qui en découlent. Référence intemporelle et indiscutable, le premier succès du réalisateur aura posé de nombreuses bases et en aura consolidé d’autres pour des massacres encore plus vicieux.