Hop, un trou de moins dans ma connaissance de la filmographie de Tom Hanks, un pas de plus dans mon admiration pour lui. Lui et son ami Bruce Springsteen gagneront chacun un Oscar pour ce film, ce dernier pour la chanson Streets of Philadelphia qui a publicisé le film et contribué à abaisser les préjugés sur le SIDA à une époque de peur où l’amalgame entre homosexualité et maladie était si vite fait – d’ailleurs, il a fallu batailler pour que Ron Vawter soit casté : il était refoulé pour sa séropositivité, ce qui est ironique pour un film qui traite justement de la discrimination contre les personnes atteintes du SIDA.
Cela fait du bien de voir, par le biais de l’altruisme filmique, qu’il y a toujours eu des gens éclairés, mais cela rend l’œuvre très compliquée à aborder. Avec le recul, il y a un énorme handicap positif à lui accorder pour la délicatesse avec laquelle elle apporte son impact, et j’ai l’impression de n’être personne pour m’interposer entre elle et le spectateur.
Heureusement, à part une scène de tribunal montée bizarrement après le climax, effet peut-être du tournage en séquence, je n’ai rien à reprocher au film. Il se situe dans l’immense continuum des films juridiques américains, bénéficiant même d’une vraie cour de justice, et on aura tôt fait d’être happé par les plaidoiries découpées au cœur de dialogues brillants et les interprétations incroyables de ces personnages devant jongler entre leurs sentiments, la loi et le contexte.
C’était un sujet d’actualité où Denzel Washington est particulièrement marquant pour son rôle d’avocat faux-jeton. Pourtant, il est le gentil, me direz-vous : le défenseur de la bonne cause, et celui qui tire le pompon de la justice rendue. Oui, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi lui qui dit, en toutes lettres, que les gays le dégoûtent, au point d’en devenir agressif. C’est dit comme pour être oublié, mais le vertueux cinéma transatlantique en prend un coup en admettant de cette façon qu’un de ses spécimens si qualitatif est taché de l’encre de l’hypocrisie avocate. De quoi donner une profondeur rare à l’histoire qui n’en manquait déjà pas.
”On se reverra en appel”, glisse Mary Steenburgen. Ben tiens. À cause d’un appel, le cas réel dont l’histoire est tirée n’a même pas abouti en dommages et intérêts. Il est admirable, en un sens, d’avoir su créer un divertissement si pur avec de réelles pensées anti-clichés derrière, sans endommager la forme. Philadelphia, ce n’est pas juste un épatant nom de ville que viennent sous-titrer de grands artistes pour l’assurance d’une réussite septième-artistique. Ce n’est pas la foule qui salue la caméra comme un prologue de comédie musicale à l’arrière-plan duquel le batteur de Springsteen s’inflige la torture de drummer la chanson-thème (je l’adore, mais alors quelle barbe, la batterie). C’est un échange ressourçant de champs-contrechamps qui parlent, sans donner leur impression habituelle d’interrompre. Et c’est une œuvre d’art qui mérite une aussi grande place dans sa décennie que Philadelphie dans son pays.
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