Jim Sheridan propose avec Au Nom du Père un terrible drame relatant une erreur judiciaire survenue en Angleterre et accusant quatre jeunes irlandais comme responsable d'un horrible attentat sur le sol britannique.
Je dois reconnaître que je me suis très rarement pris de telles claques cinématographiques, et ce n'est pas le nombre de visions qui va changer cela. Jim Sheridan propose une oeuvre tout simplement bouleversante, et d'une très rare puissance, captant toute la dramaturgie des enjeux et personnages et nous faisant ressentir les mêmes sensations, nous immergeant tout simplement au côté de ce jeune irlandais qui va découvrir la prison et l'horreur d'un système soit-disant démocratique et libre.
Sheridan ne tombe jamais dans la facilité (malgré quelques effets de style pas toujours des plus subtils mais qui ne m'ont jamais dérangé, ni empêché l'oeuvre d'être forte), l'excès de sentimentalisme ou le pathos, tout son récit s'inscrit dans une cohérence et continuité narrative et émotionnelle, on a l'impression d'être au cœur du film sans jamais en sortir. Il se montre juste, s'éloignant d'une vision "méchant anglais contre gentil irlandais" mais s'efforçant de rester dans un registre réaliste, donnant toute sa puissance à l'oeuvre. Le scénario est extrêmement et intelligemment bien écrit, tout comme les personnages et dialogues qui sonnent toujours justes, tandis qu'il s'efforce de mettre en avant comment un système peut casser et changer un homme.
Les personnages représentent tout simplement la plus grande réussite de l'oeuvre, et notamment les portraits du père et du fils, les relations qu'ils ont et leurs évolutions parfois complexes et difficiles et surtout terriblement bouleversantes, notamment au fur et à mesure des rebondissements. Sheridan créé des liens riches et vrais, tout sonne terriblement réaliste et il en fait ressortir tout l'intérêt et les émotions. Les personnages secondaires sont aussi très bien écrits et mis en scène, notamment ceux en prisons. La force du film se trouve aussi dans les idéaux des différents personnages, et leurs changements ou non au fur et à mesure des événements, ce que Sheridan capte à merveille.
Il se montre brillant derrière la caméra, filmant avec grand brio son sujet et faisant ressortir la richesse des enjeux et personnages, que ce soit dans les scènes de familles, en Angleterre ou au sein de l'univers carcéral. La construction du récit est d'ailleurs remarquable, montrant l'innocence et la joie de vivre du protagoniste avant que le sort ne lui tombe sur la tête. Il décrit bien les évolutions et relations des personnages tandis qu'il retranscrit avec brio le contexte de son oeuvre ainsi que l'univers carcéral, plusieurs séquences du récit en deviennent mémorable (le début, les procès, les interrogatoires...).
Sheridan n'alourdie jamais Au Nom du Père, tout sonne juste et est parfaitement bien ancré au sein du récit. De nombreuses séquences en deviennent mémorables et surtout poignante et bouleversante, à l'image des interrogatoires, du procès, du début de l'oeuvre ou d’événements majeurs en prison. Il laisse flotter un parfum assez difficile, complexe et une sensation d'injustice sur le récit, tandis que Daniel Day-Lewis est époustouflant, livrant l'une des plus grandes performances d'acteurs qu'il m'ait été donné de voir, alors que Pete Postlethwaite ne démérite pas en père de ce dernier.
C'est tout simplement un immense chef d'oeuvre que propose Jim Sheridan avec Au Nom du Père, un récit poignant, intelligent, émouvant et qui m'a marqué dès mon plus jeune âge , totalement maîtrisé et immersif et emmené par un immense Daniel Day-Lewis.