C'est le cinquième des six "contes moraux" réalisés par Éric Rohmer entre 1962 et 1972. Avant ce Genou de Claire, il y a eu La Boulangère de Monceau (court-métrage), La Carrière de Suzanne (moyen-métrage), La Collectionneuse et surtout Ma Nuit chez Maud, probablement le chef-d'oeuvre du cinéaste. Après, il y aura L'Amour l'après-midi, moins connu. Dans cette série de films, Rohmer renoue avec l'esprit littéraire et philosophique du XVIIIe siècle, un peu aussi hélas avec la préciosité du XVIIe, pour faire disserter des personnages contemporains sur la liberté, l'amour, la foi, la morale... Entre libertinage et marivaudage modernes. Tendance intello. Mais autant le réalisateur avait su trouver une austérité, une crédibilité et une profondeur magnifiques dans la joute verbale de Ma Nuit chez Maud, autant il peine ici, dans Le Genou de Claire, à faire oublier l'artifice de son dispositif, une verbosité un peu décalée dans un contexte de légèreté estivale, un peu anachronique aussi. Impression renforcée par le fait que certains acteurs, notamment Aurora Cornu, récitent leur texte bien peu naturellement (Jean-Claude Brialy, heureusement, s'en sort mieux). Ça cause donc beaucoup, très bien, trop bien. C'est toujours très fin, très subtil, mais aussi légèrement pédant et lassant sur la durée. Et puis on est sensible ou pas à ce type d'expérience de vie et d'expérience de cinéma. Écouter des bourgeois oisifs philosopher à bâtons rompus sur les choses de l'amour, entre sorties en bateau et parties de tennis, peut laisser vaguement indifférent, voire agacer, aussi beau soit le décor du lac d'Annecy, superbement photographié par Néstor Almendros... De ces jeux de l'amour sans hasard, très calculés, on garde quand même quelques pépites : un fétichisme amusant (mais développé tardivement) qui fait du genou de Claire "le pôle magnétique" du désir du personnage de Brialy, ou encore le premier rôle au cinéma de Fabrice Luchini, très blond et déjà très bavard...