Je ne peux m'empêcher d'être déçu par la Liste de Schindler. Ce qui est souvent décrit comme le film le plus bouleversant sur la Shoah est en réalité un film sur la vie d'Oskar Schindler. Oskar Schindler, industriel nazi qui profita de la guerre pour s'enrichir, tenta finalement de sauver la vie de ses employés juifs... Cette personnalité complexe et controversée avait elle aussi de quoi donner naissance à un chef d'oeuvre. Malheureusement, le film manque (manque flagrant, déconcertant) de psychologie, ce qui nous empêche d'apprécier le personnage d'Oskar Schindler dans toute sa complexité. Il reste d'un charisme incroyable (Liam Neeson a mérité son oscar), mais le scénario ne fait que l'effleurer. Le scénariste, Steven Zaillan, a réussi l'exploit de rendre le personnage de Schindler ambigu pendant 3h15, au prix du sacrifice de sa psychologie: c'est un parti pris que beaucoup ont apprécié mais que je trouve regrettable. En effet on ne devine pas grand chose de ses motivations, de ses états d'âme et de sa psychologie. Le personnage est un Nazi, et on n'a aucune idée de ce qu'il pense de cette doctrine. Cette ambigüité se retrouve chez un autre film écrit par Steven Zaillan: Gangs of New York, durant lequel la psychologie du personnage d'Amsterdam nous est voilée tout le long du film. La liste de Schindler est donc un film sur Oskar Schindler, vu de l'extérieur. Le scénario, au-delà de l'aspect psychologique, est très habile. Le film est lent mais devient de plus en plus prenant à mesure que les images défilent. La personnalité d'Oskar Schindler (malgré son ambigüité) permet de rendre chaque scène du film intéressante, prenante. Les dialogues sont excellents. Le film est réalisé par un certain...Steven Spielberg. Rien d'étonnant à ce que la mise en scène soit exceptionnelle: très sobre (en noir et blanc), avec quelques plans marquants et des scènes de violences extrêmement poignantes. Tout a l'air authentique dans ce film: rien d'étonnant, puisque Spielberg a retranscrit les anecdotes que lui ont racontés les survivants de la Shoah. Pourtant, on a l'impression que le film exploite la moitié du potentiel de l'histoire. Si seulement le film avait eu pour fil conducteur le Nazisme, et avait suivi l'histoire d'une des victimes du Nazisme, avec la mise en scène de Spierlberg et les dialogues de Zaillan, il aurait été bouleversant, déchirant. C'est parce qu'ils ont pour fil conducteur le Nazisme ou le Fascisme que des films comme le Labyrinthe de Pan, le Pianiste ou le Dictateur sont poignants. Ce n'est malheureusement pas le cas de la Liste de Schindler. Mais j'exagère. Le film est malgré tout un effort de mémoire extraordinaire, en ce sens qu'il dénonce efficacement la barbarie nazie. Il atteint des degrés d'excellences lors des apparitions du personnage d'Amon Goeth. Le « boucher d'Hitler » est à mon avis le personnage le plus marquant du film. Le scénario parvient à rendre le personnage inquiétant, et la mise en scène à illustrer sa barbarie. La scène avec la jeune servante est particulièrement marquante. On en vient à se demander comment des hommes ont pu être aussi monstrueux, aussi inhumains envers leurs semblables. C'est lui, et pas Schindler qui aurait du être le personnage principal. Quand à la musique de John Williams, elle est tout simplement magnifique. Dommage, alors, qu'elle soit si peu présente et que son thème principal soit quelque peu sous-exploité. J'ai également trouvé les contrepoints musicaux (la rafle du ghetto avec une musique joyeuse) très malvenus. Si vous me voyez critiquer autant ce film, c'est parce que je ne suispas entièrement d'accord avec sa réputation de chef d'oeuvre. C'est un très beau film, mais pas un chef d'oeuvre à mon avis. Disons qu'il vous laissera une très forte impression, mais ne vous bouleversera peut-être pas. L'oeuvre la plus remarqualbe de Spierlberg par rapport à la Shoah n'est pas ce film à mon avis: c'est la Fondation Shoah qu'il a créée, et grâce à laquelle il a pu enregistrer le témoignage de 55.000 survivants de la Shoah. Les extraits de ces témoignages dans les bonus du film m'ont autrement plus émus que le film lui-même. 3H15 prenantes, authentiques, écrites et réalisées à la perfection, mais qui restent frustrantes car elles laissent l'impression d'un film largement inachevé malgré sa longueur, malgré la subtilité des dialogues.