"The game" fut une belle réussite signée David Fincher. Elle l’est encore aujourd’hui. Outre le fait que toute l’intrigue pèse sur les épaules de Michael Douglas, cette réussite est due aussi au fait que le spectateur est placé au même niveau que le personnage principal. Ce dernier, répondant au nom de Nicholas Von Orton et incarné par le monstre sacré qu’est Michael Douglas, est un homme comblé à tous les niveaux : il est riche, possède tout ce qu’il veut, et tient sa vie réglée comme bon lui semble. Oui, cet homme d’affaires implacable est un grand maniaque du contrôle. Mais est-il vraiment comblé pour autant ? Pas si sûr. Après tout, il évolue dans un monde aux couleurs froides et sombres, et c’est très bien retranscrit par le cinéaste. Certes ce monde triste et fade est bien le sien, mais où est le soleil qui devrait donner un goût plus savoureux à sa vie ? Apparemment, il n’y en a pas, le seul éclat à ses yeux étant représenté par les millions de dollars qu’il manipule, jusqu’à en avoir un mode de fonctionnement très formaté comme si son comportement répondait à une mécanique certes bien huilée jusqu’à avoir du dédain envers ce (ceux) qui lui est (sont) d’aucun intérêt... ou d'aucune utilité. Et apparemment, il lui manque effectivement quelque chose : la preuve en est, c’est profondément intrigué qu’il consent à mettre le doigt dans l’engrenage. C’est là le point de départ de ce scénario qui va basculer dans une ambiance un peu glauque comme le réalisateur sait l’instaurer. Grâce au fait d’être placé au même niveau que le protagoniste principal, le spectateur va ressentir une certaine inquiétude, jusqu’à en devenir parano au même titre que ce richissime homme des finances. C’est tout juste si on ne se félicite pas de ne pas être à sa place ! Car les pistes se multiplient à l’infini, et semblent ne pas avoir de fin. Autant dire que l’intrigue prend une tournure inattendue, et on en vient à se demander nous aussi si tout cela n’est vraiment qu’un jeu. Ainsi, ce qui aurait pu être une comédie au départ tourne au thriller au suspense hitchcockien. Mené de main de maître, le spectateur est embarqué dans un scénario alambiqué mais sacrément bien foutu. Et il est vrai qu’on peut se dire que d’accord on y va parce que la curiosité l’emporte, mais quand on voit jusqu’où ça peut aller, ben ça ne donne plus envie d’y participer. Ça en ferait presque froid dans le dos ! Et pourtant, le message contenu dans ce film touche à ce qui est essentiel (excellent parallèle avec le passé de Nicholas), ce qui donne de la matière à réfléchir et fait revêtir au propos toute sa pertinence. Vous pourrez en trouver le parfait résumé dans la Bible, et dont vous trouverez les références dans le film (je ne vais pas tout vous dire non plus hein, aussi soyez attentifs… trèèèèèès attentifs). Un extrait que tout le monde sans exception va oublier car ça va quand même loin, très loin. Si loin que ça explique aussi pourquoi tout le monde se fait balader : le héros… et vous, spectateurs. Un thriller plein de surprises, au grand dam du personnage principal qui lui a horreur des surprises, et qui met superbement en scène la mort pour laisser la place à la rédemption. Avec en prime une prestation toujours impeccable de Michael Douglas, qui réussit même à être touchant avec sa mine désemparée quand il se réveille dans son costume blanc et qu’il pose son séant en tentant vainement de rassembler ses esprits. De même que lorsqu’il propose une poignée de dollars. "The game" : un immanquable qui se fera un plaisir de jouer un tour à votre esprit. Mais un film entaché par quelque chose qui me chiffonne : les vitres de la BMW. Sont-elles blindées ? Si oui, quel intérêt pour cet homme qui circule librement et sans chauffeur ? Ce n’est pas logique ! Mais si elles sont effectivement à l’épreuve des balles, ça fait de gros impacts quand même… mais bon ! Pas de quoi gâcher cette riche idée de film.