John Reilly vient d’hériter d’un splendide château en Italie au sein duquel il vient loger avec sa femme Susan et sa fille Rebecca en attendant de le revendre. Occasion rêvée pour cette petite famille de repartir à zéro et de faire table rase d’un passé obscurci par l’accident de voiture incombant à John qui a fait perdre la vie à leur petit garçon et la vue à Rebecca. Installés dans le château abandonné, ils prennent doucement conscience que celui-ci n’est pas si vide qu’il n’y paraît et que rôde une créature ignoble…
Nouvelle adaptation de Lovecraft (de la nouvelle Je suis d’ailleurs) pour Stuart Gordon qui s’est auparavant attelé à transposer deux œuvres du romancier avec Re-Animator et From Beyond. Pour le coup, Gordon retrouve une équipée qu’il connaît bien puisque Jeffrey Combs et Barbara Crampton, ses deux acteurs fétiches, tiennent les rôles principaux tandis que le scénariste Dennis Paoli, scénariste des deux œuvres précitées, et le réalisateur-producteur Charles Band font partie de l’embarcation. Doté d’un budget minime (production Charles Band oblige), le film est tourné dans un château ténébreux de l’Italie profonde, déplacement géographique aux motivations financières.
Abandonnant les délires goresques de ses débuts, Gordon signe avec Castle freak une œuvre horrifique brutale, sans concession qui flirte constamment avec l’univers gothique sans jamais y accéder totalement (on regrettera l’utilisation maladroite de l’architecture du lieu qui eût pu servir à instaurer une atmosphère oppressante). Optant pour une photographie terne et glaciale, Gordon dote cependant son métrage d’une ambiance ténébreuse propice à l’émergence d’une tonalité adipeuse et malsaine qui trouve son paroxysme lors du meurtre de la prostituée, seul délice sanglant offert à nos yeux (mais quel délice !).
Outre cette ambiance glauque, Castle freak puise sa force dans la théâtralité de la mise en scène de Gordon qui recourt adéquatement à l’unicité de lieu imposée par le récit originel. Confinée dans cet étrange labyrinthe aux 150 pièces, la famille se cherche tant bien que mal et tâtonne à l’aveuglette (à l’instar de la cécité de Rebecca) pour tenter de se reconstruire. Mais, le manque de repères accentue le désarroi de la troupe et chacun trouve un refuge pour ses malheurs où il peut : John se noie dans l’alcool, Susan couve sa fillette et la fillette en question tente d’éviter les meubles qui se dressent devant elle. Quoiqu’il en soit, la restriction d’action imposée par l’unité de lieu favorise le développement de personnages que Gordon nous rend sympathiques en nous décrivant leur fragilité. Une fragilité qui frappe également le monstre, créature féroce enfermée depuis des années dans un cachot humide avec deux rondelles de saucisson pour tout dîner et une dizaine de coups de fouet comme marques d’affection. Dès lors, le monstre n’est plus monstrueux mais maladroit comme l’évoque la reproduction des faits et gestes de John adoptée par la bête pour câliner tant bien que mal la fille livrée à lui.
Gordon, sérieusement épaulé par une équipe qu’il connaît bien, parvient une nouvelle fois à tirer le meilleur de l’écrit lovecraftien, effectuant du même coup un pied-de-nez à l’hommage flagorneur yuznien à l’encontre du romancier. Respectueux envers l’œuvre du maître, Stuart signe un métrage horrifico-sentimental arythmique dont l’inertie est compensée par l’atmosphère glauque qui règne en maître.