Ce film est d'abord très intéressant dans son principe narratif. Par son élément moteur : une forme de voyeurisme qui est à la fois celui du personnage principal (Marion "espionnant" le cabinet de psychanalyse voisin) et celui du spectateur. Par son développement aussi : une sorte de double psychanalyse fonctionnant par vases communicants, puisque les confidences d'une patiente (Hope) invitent Marion à une introspection, un retour sur son passé et ses choix de vie, jusqu'à une profonde remise en cause personnelle. Focalisé sur ce personnage de Marion, Woody Allen brosse ainsi le portrait nuancé d'une femme brillante et parfaite en apparence, tout en maîtrise d'elle-même, dont les certitudes vont peu à peu vaciller. Une femme qui reconnaît avoir sacrifié la dimension affective de sa vie à la dimension intellectuelle, par peur, et avoir inspiré aux autres des sentiments qu'elle n'imaginait pas. Le réalisateur suit l'itinéraire d'une prise de conscience, ponctué de désillusions cinglantes ou amères, et l'espoir d'un renouveau, d'une renaissance, par le biais de la bien prénommée Hope...
C'est l'un des meilleurs films de Woody Allen. Une pépite dans le registre bergmanien qu'il a exploré à plusieurs reprises (Intérieurs, Hannah et ses Soeurs, September...). Centré sur la psyché féminine, épuré dramatiquement, assez grave, cet opus se déploie sous l'influence du cinéaste suédois, même esthétiquement, puisque le réalisateur a confié la photo du film à Sven Nykvist, le fidèle chef op' de Bergman. Pour autant, c'est bien du Woody Allen dans le texte, avec cette petite touche d'humour caractéristique, malgré le drame. Les dialogues sont impeccables dans leur ensemble, coulant avec une évidence intellectuelle et émotionnelle qui est comme un signe de maturité artistique.
Côté interprétation, Gena Rowlands porte le film sur son dos. Dans un parfait contre-emploi de femme froide qui s'éveille douloureusement à elle-même, loin des rôles tout en nerfs et borderline que lui a offert Cassavetes, notamment, elle est absolument magistrale.