Classique de la comédie française (un de plus) signé Gérard Oury, "La folie des grandeurs" restera malheureusement comme l’une des plus grandes frustrations de cinéphiles puisque le film devait être la 3e collaboration du trio Oury - Bourvil - De Funès après ("Le Corniaud" et "La Grande Vadrouille"). La disparition de Bourvil a contraint le réalisateur à revoir ses plans et à confier le rôle du valet Blaze à Yves Montand, soit un acteur au profil radicalement différent. Certes, l’acteur réussit à faire oublier son statut de séducteur pour camper ce valet tombé amoureux de la reine d’Espagne mais on voit bien que le personnage, timide et naïf, a été écrit sur mesure pour Bourvil. Ainsi, malgré ses efforts pour lui apporter son assurance naturelle et sa malice, Yves Montand a du mal à faire croire à son personnage... ce qui n’empêche pas le film d’être une réussite. Car, une fois la frustration passée, on ne peut qu’apprécier la qualité de la grandiloquente mise en scène accentuée par la BO flamboyante de Michel Polnareff ainsi que la pléiade de 2nds rôles pour la plupart étrangers (production internationale oblige) parmi lesquels la sévère Alice Sapritch dans le rôle de sa vie, Karin Schubert en Reine (et qui s’est tournée depuis vers le cinéma porno), Alberto De Mendoza en Roi d’Espagne, Gabriele Tinti en Don Cesar ainsi que les habitués Venantino Venantini et Paul Préboist. Mais, comme toujours, c’est la prestation de Louis De Funès qu’on retiendra. Avec ce Don Salluste menteur, manipulateur et avide d’argent, il tient dans ce film un des rôles les plus détestables de toute sa carrière et réussit pourtant à le rendre attachant ou, à tout le moins, hilarant. On pourra toujours reprocher à la star d’avoir recours à sa mécanique comique habituelle (ses grimaces, le chapeau que se redresse façon Napoléon, le coup du chiffon dans les oreilles...) mais ses gags m’ayant ravi enfant, je me montrerai indulgent. Et ce n’est pas un hasard si certaines scènes sont devenues cultes (la scène du réveil et son fameux "Il est l’or, l’or de se réveiller, Monseignor", la saisie des biens de Don Salluste, le striptease de Dona Juana, les retrouvailles aux barbaresques et son "Oh il est là aussi"...) et si les dialogues sont des morceaux d’anthologie étonnement modernes ("Les pauvres, c’est fait pour être très pauvres et les riches, très riches", "Mais que vais-je devenir ? Je suis ministre, je n’sais rien faire", "Elle ment en allemand"...). Le film a beau être un peu plus sérieux que les autres comédies de Gérard Oury (en raison notamment du traitement très 1er degré de l’histoire entre Blaze et la Reine), il n’en reste pas moins un monument du cinéma français et un de mes films préférés du grand De Funès.