Zachary est né le 25 décembre 1960, ce qui n'est pas étranger à la perte rapide de sa foi dans un pays aussi catholique que le Québec. Quatrième garçon d'une famille qui en comptera cinq (leur père explique ça par son surcroît d'hormones mâles), il manifeste très jeune des tendances un peu "fifille", encouragé par sa mère qui découvre chez lui un don de guérisseur à distance. Son père, qui connaît par coeur tout le répertoire de Charles Aznavour et qui inflige à sa famille son interprétation d'"Emmenez-moi" à chaque fête de Noël, supporte mal le manque de virilité de son fils, particulièrement quand celui-ci atteint l'adolescence. Peu "parlable" au dire de son épouse, il n'accepte pas les pulsions homosexuelles de Zac, et doit aussi gérer le naufrage dans la drogue de son aîné.
"C.R.A.Z.Y." (nous vous laissons découvrir la signification de ce titre lors du générique de fin) avait de nombreux arguments pour plaire : film exotique sur les moeurs étranges de nos cousins de la nouvelle France, témoignage sur vingt ans de coiffures improbables et de pantalons à patte d'éph', chronique d'une famille qui s'aime et se déchire sur fond de musique des Stones ("Sympathy for the Devil"), David Bowie ("Space Oddity"), Robert Charlebois ou Patsy Cline.
Malheureusement, la mayonnaise ne prend pas. Pour des raisons de scénario, d'abord. L'opposition entre le père aimant mais enfermé dans sa vision machiste et le fils rebelle qui souffre de ce déni et cherche par tous les moyens à regagner la considération de son géniteur, on l'a vu cent fois dans le cinéma nord-américain depuis "A l'est d'Eden", et ce ne sont pas les "tabernacles" et les "osties" justifiant le soutitrage de certains passages qui renouvellent le genre. Jean-Marc Vallée enfile les clichés, et le jeu tout en crispation de mâchoires de ses acteurs ne rend pas la bouillie plus digeste.
Pour des raisons de style, ensuite. Là où la comédie italienne des années 70 ou des films anglais comme "Quatre mariages et un enterrement" excellaient à basculer du rire à l'émotion, la lourdeur de l'humour québecois à base de flatulences et de toasts cuits au fer à repasser et le pathos appuyé des scènes censées émouvoir rendent les transitions particulièrement pesantes.
Pour des raisons techniques, enfin. Le réalisateur use et abuse d'afféteries d'une autre époque : ralentis et accélérés, jeu sur la profondeur de champ pour isoler le personnage, cadrages se voulant insolites, montage parallèle lourdement suggestif. Trop d'effets tuent l'effet, et tout cela donne finalement l'impression d'un bazar où l'amoncellement empêche la visibilité.
Alors, il y a heureusement quelques moments où le film se dégage de cette gangue et parvient à susciter l'émotion : le père interprétant "Hier encore" le jour des vingt ans de son fils, les quatre frères survivants passant une nuit ensemble, ou Zac déposant un plant de cannabis sur la tombe de son frère. Ces quelques scènes esquissent ce qu'auraient pu être ce film avec moins de bons sentiments niaisieux et plus de simplicité.
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