Jean Pierre Melville, ici, renoue avec le film noir après « Léon Morin prêtre » et en profite aussi pour retrouver Belmondo. Ce genre fera son succès à l’international ; nombreux sont les réalisateurs qui revendiquent l’héritage Melville ; Tarantino, Woo,… Et le scénario alambiqué autour d’une histoire de truand où le final offre un dénouement inattendu est proche de ce que feront ces héritiers. Il incarne aussi la transition entre le cinéma d’après guerre et la nouvelle vague ; et sa mise en scène novatrice le prouve ; de fait, Godard et Truffaut revendique aussi l’héritage. Ce film a donc d’énormes atouts et, 50 ans après, n’a en rien perdu de son intensité dramatique et de son dynamisme.
Marc Shift dans son blog écrit à propos de ce film : « A sa sortie de prison Maurice Faugel, usé par sa détention, n’aspire qu’à peu de chose : se retirer après un dernier coup, et oublier la mort de sa femme durant sa détention. On n’échappe pas à son destin….
Un temps de retard, le spectateur a toujours un temps de retard devant ce film. L’histoire se passe dans un milieu où tout le monde se connait déjà, avec des trajectoires plus ou moins complexes faites de trahisons, de meurtres, de casses.
On navigue donc dans les bas-fonds, et c’est logiquement que le film s’ouvre dans une chambre de bonne où un receleur manipule des bijoux (forcément volés, il n’y a aucun mystère là dessous), et reçoit un vieil ami tout juste sorti de prison, qui expose son plan pour se retirer. Après avoir exprimé ses motivations et les effets de la prison, qui l’a physiquement affaibli, il abat le receleur. Les explications seront pour bien plus tard dans le film.
Et le plus important, c’est que rien n’est gratuit dans l’histoire, la construction du film permet de comprendre tous les actes et motivations des protagonistes. Comme souvent, chez Melville, l’histoire (tirée du livre de Pierre Lesou) tourne autour des truands, la police ne « servant » que de ressort. Les scènes où la police est personnifiée ne sont pas très nombreuses (mais traitées avec une réelle maestria), mais l’ombre de l’institution plane tout au long du film comme un danger vital.
Parce qu’ici on ne sait pas vraiment à qui se fier, qui joue double jeu? Car le film d’emblée s’ouvre sur cette explication : le doulos, en argot, désigne le chapeau généralement arboré par les gangsters (style imper avec de la classe) mais aussi l’indic, le traitre, la balance….
Donc le jeu est de trouver qui est le traitre. Et sans connaître le roman ou avoir trop lu de révélations sur le film, sans nul doute vous vous engagerez sur une mauvaise piste. On peut définir le film comme un classique du genre. L histoire en elle même possède un carcan assez classique (un univers très typé, un code moral fort, de la trahison, le remord….), même si au final il y a deux récit s’entremêlant (le parcours quasi simultané de deux truands) pour au final se rejoindre.
Classique aussi et surtout par son interprétation et sa réalisation. Quand sur une affiche on a comme noms Serge Reggiani, Jean-Paul Belmondo, Michel Piccoli, Jean Desailly et même Philippe Nahon dans son premier rôle (c’est d’ ailleurs lui même qui m’a donné envie de voir ce film, donc merci à lui), on peut être certain que les acteurs vont être bons. Et bien c’est même mieux que ça, tous les acteurs sont bons (c’est à dire tous les rôles), et les premiers rôles sont simplement fabuleux. On a trop tendance à réduire Belmondo à ses cascades alors qu’il possédait une palette de jeu vraiment impressionnante (tour à tour charmeur, suave, salop de la pire espèce….). Et puis Serge Reggiani très bon aussi dans son rôle de truand désabusé…..
Et la réalisation, où l’on se rend compte que ce qui pourrait être une banale scène de dialogue devient un bijoux de tension, de pression grâce à la caméra de Melville qui magnifie le jeu des acteurs (le boulot de tout bon réal!!) et transcendant un récit à priori classique pour le faire évoluer en un récit shakespearien.
Un vrai classique de cinéma, où les acteurs , le réalisateur, la technique (les éclairage sont sublimes), la musique (très jazzy, dans les tons de l’ époque) transcendent le récit originel. A voir absolument. »