Qu’on se le dise, "Hocus Pocus : Les trois sorcières" est loin d’être un chef-d’œuvre. Avec pas de mise en scène inoubliable, des effets spéciaux un peu ringards, des décors en carton-pâte, des enfants qui jouent comme des pieds et des raccourcis scénaristiques à en faire saigner du nez, en outre, à peu près tout dans ce film est fait pour que vous aimiez le charme désuet d’un tel film. De mon côté, sans honte, sans culpabilité, c'est un film que j'ai vraiment apprécié. Commençons par l’histoire abracadabrante. Au départ, cela sonne comme
une histoire pour enfants : trois sorcières cherchent à priver la jeunesse des enfants de Salem pour rester éternellement jeunes et belles. Pourtant, rien ne se passe comme prévu et un jeune garçon intervient pour réduire leurs monstrueux plans à néant. Excédées, les trois sorcières le transforment en chat noir immortel avant d’être arrêtées par les habitants de leur village. Sur le point d’être pendues, les sœurs Anderson prédisent alors leur retour grâce à une âme pure et vierge qui allumera leur bougie à flamme noire
. Et là, on part dans un humour décalé, aussi audible pour les adultes que pour les enfants. La condition sine qua none amuse beaucoup, surtout lorsqu’elle se calque aux difficultés adolescentes de Max Dennison, ou bien à l’histoire du zombie Billy, aux
lèvres cousues par Winifred Sanderson parce qu’il l’avait trompée avec sa sœur Sarah
. Tout est prétexte pour un cliché bien fait qui se laisse regarder avec un sourire aux lèvres. Le scénario est donc très classique et très convenu mais propose un lot de péripéties fort appréciables et sympathiques : à Salem,
au XVIIème siècle, les sœurs Sanderson, trois sorcières vieillissantes et pas très sympathiques, kidnappent des enfants pour voler leur jeunesse. Arrêtées puis pendues, après avoir transformé un des enfants en chat, condamné à vivre pour l’éternité, l’aînée d’entre elles, Winifred Sanderson (incarnée par une Bette Midler qui visiblement s’amuse bien) lance une prophétie : dans 300 ans, un être vierge les ramènera d’entre les morts pour la nuit d’Halloween, afin qu’elles puissent terminer leur œuvre et devenir immortelles. Et c’est à la nuit d’Halloween de 1993 que Max, venant tout juste d’emménager, à regret, dans la ville de Salem, ressuscitera les trois sorcières en voulant frimer un peu pour impressionner sa conquête (et sa petite sœur). Dès lors, la course contre la montre est lancée et il faut à tout prix empêcher les trois sœurs de remettre la main sur leur grimoire. Rusés, les adolescents, aidés par un chat qui parle, vieux de trois siècles, jouent sur le décalage pour faire croire aux sorcières, qui n’ont pas vu le monde depuis 300 ans, qu’ils ont autant de pouvoir qu’elles. À eux d’invoquer l’eau magique, en déclenchant des alarmes incendie, à elles de draguer diable (un quidam déguisé) et conducteurs de bus, ne comprenant pas que si la rue grouille de lutins, de sorcières et de Mrs Samovar grandeur nature (meilleur déguisement), c’est qu’il s’agit là d’une nouvelle fête remplaçant leur Halloween. Consternation chez les sorcières, qui s’adaptent dès lors avec une facilité déconcertante, au monde contemporain, capables de chanter "A spell on you" (Nina Simone) à une fête ou encore de voler sur des aspirateurs. Un peu débiles, les sorcières perdent leur temps à vouloir rattraper le trio, au lieu de prendre les premiers enfants qui passent, pour devenir immortelles. Elles n’ont que quelques heures devant elles, mais soit
. On rit quand on voit les sorcières hurler de frayeur devant une voiture qui n’existait pas encore à leur époque; on chante quand les sœurs Anderson lancent un sortilège en pleine soirée de gala sur toute une assemblée en émoi; et on pleure avec Dani à la fin du film qui est pourtant une belle conclusion. Et même si on passe du très bon temps devant ce film, on peut regretter le stéréotype de la méchante et moche sorcière, même si, avouons-le, ce long-métrage ne vaut que par son casting ! Bette Midler, Kathy Najimy et Sarah Jessica Parker (dans l’un de ses premiers rôles) s’amusent et jouent comme des enfants déguisés un soir d’Halloween, et c’est tout à fait charmant. On y retrouve également un Doug Jones en amant maudit, ramené à la vie par les sorcières pour attraper les sales mômes. Le réalisateur Kenny Ortega (celui qui a réalisé les "High School Musical" datant de 2006, 2007 et 2008) accompagné de David Kirschner à la production (producteur des "Chucky") fabriquent un très bon téléfilm de luxe aux accents Disney Channel. Néanmoins, le rythme montre parfois un peu de lenteur. On le voit nettement au début du film, qui pose maladroitement le décor et les conditions dans lequel vit Max Dennison, entre amourette et harcèlement en ville. Et on le voit aussi entre la fin du premier affrontement des héros face aux sorcières et leur retour "inattendu" pour se venger; cette transition, particulièrement, montre une insouciance un peu trop surjouée, mais qui a le mérite de glisser un peu de romance et de tempo dans ce film où tout bouge en permanence. Quant au casting, on a là un menu de choix. C’est peut-être l’un des points forts de ce film : un casting de choix. Et qu’on se le dise, c’est bien les trois sorcières Anderson qui sont les vrais personnages principaux de l’histoire ! Commençons d’abord par Bette Midler, qui interprète Winifred dit Winnie Anderson. De prime abord, Bette Midler n’est pas actrice, mais chanteuse se produisant dans des cabarets new-yorkais. C’est pourtant cette carrière qui lui permettra de grimper les échelons et de participer à quelques productions de films, dont "Hocus Pocus". Folle, drôle et outrancière dans ses gestes, Bette Midler surjoue son personnage et la rend incroyablement agaçante et attachante. On aime Winnie pour sa voix, son maquillage mal fait, ses cheveux crépus, sa gestuelle maniérée et ses plans machiavéliques qui n’aboutissent jamais ! En second, voici Kathy Nijimy, qui joue le rôle de Mary Anderson, un personnage un peu empoté et jovial, tirant son bonheur du mal qu’elle commet avec ses sœurs. On pourrait la considérer comme la plus empathique de la fratrie, et pourtant les enfants devraient se méfier de son infaillible odorat. Et rien que pour ce décalage, on aime cette cadette ! Surtout quand elle essaye de faire un peu de méditation pour calmer son affolante aînée ! Et enfin, parlons de la benjamine. C’est Sarah Jessica Parker qui joue le rôle de Sarah Anderson. Loin d’être une inconnue, la jeune femme tient le rôle de Carrie Bradshaw dans la série "Sex and the City". L’actrice, toute jeune et pleine de potentiel à cette époque, joue donc une rêveuse délurée, qui incarne parfaitement ce qui manque à ses deux sœurs : l’insouciance et une certaine beauté. Loin d’être pressée par le temps, Sarah Anderson aime s’arrêter pour un rien et surtout jouer de ses charmes avec les premiers hommes qu’elle rencontre, ce qui n’est pas pour enthousiasmer son aînée. C’est pourtant son charme qu’on apprécie : caricature de la pure blonde écervelée, elle donne du piment supplémentaire à l’histoire et à la complicité de la fratrie !
Quant au reste des acteurs… On applaudit le zombie Billy joué par Doug Jones qui aura son mot à dire à la toute fin; Dani Dennison jouée par Thora Birch, qui est attachante malgré son air souvent effronté, et notre cher ami Max Dennison joué par Omri Katz même si on regrette que Leonardo DiCaprio n’ait pas accepté de jouer le rôle pour s’engager dans un autre long-métrage ! Macabre, rythmant aussi bien l’action que les émotions des sœurs Anderson, la bande-son de "Hocus Pocus" est une œuvre intemporelle qui possède autant les rondeurs d’une musique comique que les tintements légers d’une musique douce et enchanteresse. Chaque scène est accompagnée avec finesse, donnant une profondeur et une immersion complète. Simples dans leurs répétitions et pourtant très efficaces, les morceaux s’écoutent facilement et arrivent à nous faire peur bien que la scène puisse être décalée ! Et bien sûr, on notera la belle performance de Bette Midler et Sarah Jessica Parker qui ont chacune leur manière de nous faire frissonner… On a aussi des décors soignés, originaux, bien faits, avec une mention particulière pour les costumes des sœurs Sanderson qui les rendent complètement atypiques, ainsi que le maquillage du zombie Billy qui met bien en évidence son rôle décalé. Et même si le long-métrage a été tourné en 1993, "Hocus Pocus" est un Disney ne donne pas la sensation d’être un film qui se vieillit : les effets spéciaux sont très simples mais bien montés, rapides et donnant un très bon rythme aux actions des personnages. La maison des sœurs est aussi mystique que rustique, ce qui colle assez bien à l’idée que l’on se fait d’elles. Et pour conclure ? "Hocus Pocus" est un bon film fantastique familial comique et magique, un concentré de nostalgie ! On respire à pleins poumons l’innocence des années 1990 et l’audace autrefois osée des Walt Disney Studios qui arrivaient à glisser beaucoup de sous-entendus dont seuls les adultes pouvaient rire. C’est aussi pour cette raison que ce film est intemporel. Qu’importe l’âge où on le découvre ou redécouvre, il amusera autant qu’il émouvra. Et l’objectif de "Hocus Pocus" est comme beaucoup de films Disney très simple : faire partager un moment simple et amusant à son échelle, sans se prendre la tête sur des morales ou des sous-morales qui n’ont pas lieu d’être. C’est un bon conte d’Halloween à partager entre amis, en famille, ou tranquille un soir d’automne avec son plaid et un thé à la citrouille. Parfois irrévérencieux pour un Disney, certaines blagues nous parviennent une fois adultes, et c’est encore plus délicieux (ou consternant, au choix). Il ne se dégage rien de ce film d’autre que du divertissement pur et dur. Un seul moment poignant (les animaux morts ça fait toujours pleurer si vous n’avez pas un cœur de pierre) et aucune leçon de morale, à part peut-être de se méfier des adolescents vierges qui ont plus de chance d’invoquer de vieilles malédictions que d’autres. "Hocus Pocus : Les trois sorcières" reste un classique Disney de la comédie d’horreur familiale ayant atteint le rang de film culte pour les gamins des années 90. À voir et à revoir avec votre enfant, votre petite sœur ou le fils des copains à qui vous apprenez des bêtises ! Mention spéciale au personnage de Thackery, très attachant (bien plus que l'autre idiot crétin de Max Dennison ou sa copine Allison vraiment pas très attachante). Bref, un bon film Disney sympathique à savourer particulièrement pendant la période des fêtes de Halloween !