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Gellis
4 abonnés
79 critiques
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4,5
Publiée le 3 décembre 2022
Un homme rend visite à son ex-femme, se comporte comme s'il était chez lui et peu à peu, en vient à l'objet réel de sa venue, empêcher sa femme de se remarier avec un homme puissant qui aurait des raisons de se venger de lui. Rarement portrait n'aura été aussi impitoyable. D'un homme, hâbleur, lâche, manipulateur et insensible, image terrifiante de ce qu'on appellerai maintenant un pervers narcissique, ne visant qu'à maintenir une dérisoire emprise sur ce qui ne peut que lui échapper, le renvoyant à son incurable médiocrité et à sa solitude. Huis clos dévastateur, entrecoupé d'un irrésistible gag, un uppercut fracassant, sonnant la fatuité stupéfaite d'un pauvre salaud. Face à lui, un visage de madone se rappelant les 3300 jours et nuits où elle attendait son retour puis la détermination sous la résignation. Un éprouvant face à face, orchestré au millimètre par Mikhalkov et porté par deux grands interprètes.
Nikita Mikhalkov n’a pas son pareil pour représenter des histrions tragiques, à savoir des acteurs au verbe haut et au jeu physique exubérant – pensons à Romano dans Les Yeux noirs (1987) qui se déplace et siffle comme un oiseau, à Olga dans Esclave de l’amour (1976) dont l’inconstance fait d’elle un caméléon d’identités et de sentiments – qui se voient pourtant rattrapés par la brutalité du monde dans lequel ils vivent et contre lequel ils tentaient de se prémunir. Il y a souvent chez eux une fuite du réel et une tentative d’habiter ce réel par la fiction, par leurs fictions, quitte à devenir une fiction eux-mêmes. Sans Témoins prolonge cette ligne directrice en mettant en scène le déchirement d’un couple, déchirement qui semble déjà appartenir au passé mais qu’il convient, pour l’époux, de réitérer encore et encore dans l’espoir de le conjurer. Un lieu unique, l’appartement, compose le décor ; la caméra l’arpente de part en part, glisse d’un côté et de l’autre, atteste une mobilité remarquable qui traduit les déplacements du mari pour se rendre maître d’un espace dans lequel il refuse d’être un étranger. La réalisation incarne donc la lutte intérieure et de deux personnes et d’un individu avec lui-même, au diapason du crescendo dramatique – tragique, n’ayons pas peur du mot, puisque la fin ne fait aucun doute et pèse sur les protagonistes comme une épée de Damoclès – qui déplace la relation vers la violence verbale puis physique. Mikhalkov glisse avec malice des indices de la rupture inévitable, telle cette chanson de Joe Dassin qui commence ainsi : « Salut, c’est encore moi… » Ainsi fidèle à l’esprit d’Anton Tchekhov, le cinéaste exploite d’abord le trivial et le burlesque en biais pour explorer et exploiter une matière humaine sensible. Un immense film, porté par deux comédiens talentueux.
Un film à huit-clos bavard, qui aurait du à l'origine être monté au théâtre. Malgré la façon très particulière et sensible de filmer de Mikhalkov, on s'ennuie ferme.