Marqué durablement par la Guerre du Vietnam, après "Platoon" et "Né un 4 juillet", Oliver Stone persiste et signe pour nous raconter avec sa démonstrativité coutumière et ses brusques ruptures de ton l’itinéraire mélodramatique d’une vietnamienne. Pour ce faire, le cinéaste s’est inspiré de deux romans à caractère autobiographique, "When heaven and hearth changes place" de Ly Hayslip et Jay Wurts, et "Child of war, woman of peace" de Le et James Hayslip. Alors qu’est-ce que tout cela donne-t-il ? Eh bien pour commencer, si le générique du début ne portait pas le nom du réalisateur, j’aurai eu beaucoup de mal à croire que nous devons ce film à Oliver Stone. Car les premières images sont splendides ! Tel un documentariste, il a su capter tout ce qui compose un petit coin de paradis dans lequel la présence humaine ne semble avoir aucun impact, tout du moins minime : les vastes espaces, les belles couleurs que le ciel fait varier à loisir… Portées par une narration en voix off, les 7/8 premières minutes du film transportent immédiatement le spectateur dans un autre monde et laissent augurer un grand moment d’émotions fortes. Assurément, "Entre ciel et terre" est un grand film, sauf qu’il manque un je ne sais quoi pour faire de ce long métrage un film inoubliable et une œuvre majeure du réalisateur. Quoiqu’il en soit, ce qui surprend, c’est la poésie qui ressort des images durant la première partie. Le spectateur sent l’amour que le cinéaste porte en cette contrée. La beauté des images, les expressions poétiques de la narration en voix off et la musique de Kitaro nous dressent un tableau idyllique de ce petit pays d’Asie du Sud-Est. Et franchement, ce tableau donne immédiatement envie d’aller le découvrir. On dit beaucoup de bien de ces paysages, et à voir les premières images, on en a tout de suite la confirmation. Seulement voilà, tout n’a pas été rose là-bas… Et il est étonnant de voir la capacité d’Oliver Stone de passer avec une déconcertante facilité du paradis à l’enfer. Rien de gratuit pour autant, puisque son attention et sa caméra se contentent de suivre ce petit bout de femme qu’est Le Ly, interprétée par Hiep Thi Le, une jeune actrice vietnamienne qui fait là sa première apparition sur grand écran. Et quelle apparition ! A n’en pas douter, sa nationalité lui a été d’un grand secours pour jouer cette jeune paysanne du Vietnam profond. Résultat, le spectateur est entièrement acquis à sa cause. Après tout, c’est normal puisque celui-ci est invité à suivre ce qui sera défini comme le karma de ce personnage. Car une fois n’est pas coutume, Oliver Stone nous fait traverser la guerre du Vietnam du point de vue vietnamien. Ainsi, les français, les vietcongs et les américains paraissent tour à tour comme des ennemis à la cruauté sans limite, parmi lesquels il était difficile de se frayer un chemin pour survivre. La sincérité d’Oliver Stone n’est pas à mettre en doute, tant le rétablissement de la vérité dans toute sa dureté vous saute à la figure comme une gifle. Oui, la souffrance de tout un peuple a été immense, mais il y a aussi dans le propos un message d’espoir : la roue finit toujours par tourner un jour ou l’autre. Certains ont la chance de voir un jour le bout du tunnel, comme cette famille enfin réunie avec le bon souvenir des personnes disparues. Mais l’air de rien, Oliver Stone a intégré un autre sujet : celui du syndrome post-traumatique chez les combattants. En cela, Tommy Lee Jones est remarquable tant il parvient avec brio à restituer les différentes facettes que son personnage va vivre au cours de son évolution. Même dans ses moments les plus détestables, il parvient à être bouleversant. Quasiment aux côtés de l’héroïne, le spectateur vivra la dégringolade de cet homme jusqu’au point final que le réalisateur ne montrera pas à l’écran comme si ce dernier était pris d’une subite pudeur. Etonnant de la part d’Oliver Stone qui nous montre sans détour les pires exactions du genre humain. Mais comme je l’ai dit plus haut, le cinéaste se distingue par ses brusques ruptures de ton. Quoiqu’il en soit, le rythme est maîtrisé et fait avaler les 140 minutes de pellicule sans aucun ennui. Et puis surtout, par les us et coutumes ancestrales pratiquées en plus des fabuleux décors, Oliver Stone permet au spectateur de voir ce pays sous un autre angle, et même de lui donner envie de le découvrir de plus près. Le Vietnam, un pays où il fait bon vivre ? Sans aucun doute, à condition qu’on soit quelque peu sensible aux traditions et valeurs locales. Dans tous les cas, "Entre ciel et terre" inspirera une certaine admiration envers ce petit bout de femme seulement armée de son courage que lui a donné son envie de vivre, sans finalement déroger de trop à l’éducation qui lui a été dispensée. Et une certaine admiration aussi pour cette inébranlable sagesse philosophique qui caractérise les pays asiatiques.