Lorsque je regarde un film, j'ai horreur de savoir à quoi m'attendre. Je suis toujours à la recherche de nouveaux styles, de nouvelles pattes, de nouvelles approches. Je déteste autant l'impression de déjà-vu que celle de l'impersonnalité, ces deux éléments ayant vite tendance à me rendre aigri et frustré d'avoir perdu mon temps. Aussi, lorsque (pour la quatrième fois seulement, la découverte est progressive je vous l'accorde !) je me lance dans un Kusturica, j'exige évidemment une forme (le fond n'est pas secondaire mais presque dans ces cas-là) mettant en valeur sa façon de voir le monde. Peu m'importent les excès ou disons le "manque de tact" dès lors que l'auteur a dévoilé un projet qui lui était propre et ne pouvait être mené à terme que par lui-même. Fonçons, quitte à se prendre un mur, et jugeons ensuite. Avec "Chat noir, chat blanc", tout ce que je réclamais fut exaucé. L'ambiance made in Emir est reconnaissable à des kilomètres à la ronde ; à travers une histoire basique mais drôle et comportant des personnages loufoques en plus d'être réellement attachants, le cinéaste nous livre une démonstration (là encore, j'y reviens) de style. Beaucoup de couleurs, une photographie aux tons inimitables, une bande-son entraînante collant au récit, une caméra virevoltante (peut-être un peu trop), un montage rapide, des angles imprécis voire décadrés, une grande variété de plans (avec des alternances très sèches, très brusques qui caractérisent les films d'E.K.) et surtout une multitude de détails tout droit sortis d'une BD. Le ton est décalé, l'intrigue ma foi assez joyeuse, les décors (peuplés d'animaux en tous genres et de taudis abritant une belle brochette d'allumés) forcément atypiques... "Chat noir, chat blanc" peut de cette façon être considéré comme (d'après seulement ceux que j'ai pu voir, autrement dit trop peu) le film-emblématique de son auteur, celui qui lui correspond le plus. Ca a ses limites (un peu criard et fatiguant) mais ça reste un vrai régal !