Quel film magnifique. Encore un chef d'oeuvre de ce cinéaste indien encore inégalé qu'est Satyajit Ray. Avec la Grande Ville, il nous offre un film sociologique, psychologique et moral (au bon sens du terme). Avec femme, fils, parents et soeur cadette à charge, Subrata Majumdar a du mal à joindre les deux bouts. Mais la société indienne est en train de changer et chose nouvelle dans son monde, l'épouse de l'un des amis de Subrata travaille!
Arati, femme de Subrata, saisissant cette occasion de contribuer au foyer autrement qu'en tant que mère, épouse ou belle-fille et aspirant à l'émancipation, propose à Subrata de chercher elle aussi un emploi, au moins temporairement. Subrata accepte et Arati trouve rapidement un travail, qui paie plutôt bien et dans lequel elle se révèle douée. Le père de Subrata en revanche, ancien maitre d'école à la retraite qui souffre d'être un poids pour son fils, n'arrive pas à accepter que la place d'une femme puisse être en dehors de la maison. Lorsque Subrata perd son emploi, les cartes sont redistribuées.
Au delà des changements de la société indienne et de l'entrée de la femme dans le monde du travail, le film met en scène des personnages denses, très bien joués par de très grands acteurs comme Anil Chatterjee, Madhabi Mukherjee (l'exceptionnelle héroïne de Charulata) ou Haren Chatterjee (le père plus conservateur, qui ne comprend plus un monde qui a changé et dépouille les hommes comme lui de toute valeur sociale) et qui évoluent tout au long du film.
Enfin, la figure d'Arati, qui se révèle non seulement une employée diligente et efficace, mais aussi une femme de principes, ne supportant aucun compromis avec l'injustice, restera pour moi un des personnages féminins les plus mémorables du cinéma, indien et mondial.