Beineix a révolutionné le cinéma français des années 80 avec la version longue de 37.2. Un film d'une puissance inimaginable. Un scénario douloureux, un environnement où la liberté s'emprisonne. Malgré certains plans où tout laisse penser que l'endroit est paradisiaque, sans horizon. Justement, le réalisateur arrive à apaiser les souffrances des personnages pour mieux les emmener en enfer. Zorg (Anglade) et Betty (Dalle) ne verront jamais la lumière, le bonheur. Tous les soirs, les deux se retrouvent pour un moment torride. Betty ne connait pas grand chose de son existence. D'ailleurs, la patte Beineix refuse de donner une identité à ses personnages. On ne sait pas comment ils gagnent leur vie. Rien, le néant à point nommé. Ils vivent au jour le jour, sans se projeter. Beineix, avec son regard avant-gardiste se projette (lui par contre) vers un cinéma plus réaliste, cruel. On peut noter que les couleurs du début, reflètent une situation plutôt joyeuse, fêtarde. Couleurs chaudes donc, avec ce soleil tapant sur un sol suffoquant. Puis, doucement mais surement, la réalité rattrape le couple. Le travail, la vie familiale, les rencontres, et aussi le commerce qu'on peut inclure dans le travail, au fond. L'odeur moisie transpercera Zorg et Betty. Cette dernière, folle-dingue à la base, deviendra tarée. Et, le ciel bleu d'une mer calme, offrant bonheur et joie de vivre, se liquéfiera en fraîcheur parisienne. On assiste alors à ce que j'appelle à un faux huit-clos. Betty rêvait simplement de devenir une mère épanouie. Le pensait-elle vraiment ? Zorg se voyait-il père ? Lui, qui commençait à bosser dans un magasin de pianos. Une multitude de questions, plus oppressantes les unes que les autres. Un drame psychique, insoutenable. La fin, d'une atrocité rarement atteinte, mettra terme à la déflagration de Betty. Philippe Djian, qui a écrit 37°2 le matin en 1985 aura l'honneur de se retrouver si-je puis dire au cinéma. Jean-Jacques Beineix a eu un coup de foudre pour cette histoire. Il a réussi à transcrire exactement l'histoire de 37.2. Le monde de Djian est mystérieux, et seul un grand réalisateur peut se permettre de mettre l'image au livre. Pour finir, la musique, présente dans le film, donnera une nostalgie fabuleuse. Comment expliquer au fond ? Un an après avoir vu le film, je suis dans l'incapacité de décrire ce chef-d'oeuvre, ainsi que ces acteurs. Aujourd'hui, Jean-Hugues Anglade et Béatrice Dalle ne parviennent peut-être plus à avoir cette profondeur démoniaque, mais ont prouvé par le passé que ce sont bel et bien les plus grands acteurs du cinéma français.