"Alien", l'un des piliers de la science-fiction qui, dès le premier film de la franchise, signé par le grand Ridley Scott, a révolutionné le genre. Mélangeant horreur, action et science-fiction, les trois premiers opus sont vite devenus cultes, introduisant notamment l'un des monstres les plus célèbre de l'histoire du cinéma et l'une des rares héroïnes capable de rivaliser avec ses compères masculins dans le domaine de l'action, Sigourney Weaver, alias le lieutenant Ellen Ripley. Aussi solides sur le fond (les films traitent notamment de la thématique du viol) que sur la forme (mise en scène à huis-clos dans "le huitième passager" ou centrée sur l'action avec une efficacité incroyable dans "Aliens"), les films ont marqué plusieurs générations de spectateurs qui pensaient avoir assisté à la fin de la franchise quand dans "Alien 3", Ripley se suicidait pour empêcher à la race des xénomorphes (le nom de la fameuse bête) de proliférer. Or Hollywood en avait décidé autrement et a remis la machine en marche avec, surprise, Jean-Pierre Jeunet aux commandes. Le réalisateur français s'était démarqué dans son pays avec des films à l'esthétique atypique et marquée comme "Delicatessen" et "la cité des enfants perdus", deux chefs-d’œuvres qui imposaient au public son univers décalé. C'est donc à un réalisateur doué, mais qui n'avait encore jamais eu l'occasion de travailler avec un budget aussi important (75 000 000 $), que la lourde tâche de donner suite à cette franchise mythique (et au volet le plus controversé de celle-ci) a incombé. Le film aurait pu être raté si les producteurs avaient trop bridés la créativité du français, mais celui-ci a réussi, même malgré un univers qui au premier abord ne lui convenait pas forcément, à conserver sa personnalité, et à changer, de fait, les enjeux de l'oeuvre. Celle-ci se passe 200 ans après les événements d'"Alien 3" et on y retrouve une Ripley clonée dans un vaisseau en ayant donné naissance à une nouvelle reine, chargée de créer de nouveaux charmants petits xénomorphes. Or ceux-ci ayant besoin de corps pour se développer, les scientifiques en charge de la recréation de cette race ont dû faire acheminer de nouveaux corps jusqu'à eux, par l'intermédiaire de pirates. C'est là la première très bonne idée du film, changer de style de personnages. Si, dans le premier volet on avait affaire à un équipage somme toute banale (à l'exception près d'un robot un tantinet contraignant), le second présentait des militaires surentraînés et le troisième des prisonniers isolés. Ici, on a affaire à des marginaux sans pitié, des tueurs de sang-froid avec un bon sens de l'humour (mention spéciale au toujours brillant Ron Perlman) et la puissance de feu d'un croiseur. Face à eux se dressent à la fois des militaires et scientifiques attirés par l'appât du gain et par une fascination quasi perverse pour les xénomorphes (génial Brad Dourif en scientifique psychopathe), ainsi que les-dis xénomorphes. Ripley, quand à elle, se retrouve avec des facultés supérieures au commun des mortels du fait du mélange entre son adn et celui de la reine. C'est ici une approche beaucoup plus organique que nous propose Jeunet, l'héroïne ayant presque fusionné avec son ennemie, et certains passages n'aurait pas été renié par David Cronenberg
(le moment où Ripley se rend compte que des clones déformés d'elle existent)
. Le réalisateur français met en scène avec brio son film, jouant davantage sur l'action pure que sur l'horreur, comme avait su le faire "Aliens" avant lui. Ses plans atypiques viennent marquer le film et lui impose une esthétique et une personnalité que n'aurait pas su lui insuffler d'autres réalisateurs. Engagé dans un rythme d'enfer malgré quelques passages assez longs et incohérents (dans le futur on pourra vraiment rester sans problème deux minutes sous l'eau), le film réussi le pari de faire renaître la franchise, en ne se reposant pas sur les acquis de celle-ci. Jeunet, grâce à son inventivité, fait vibrer de plaisir le spectateur devant ce spectacle jouissif et, somme toute, très intelligent !