Le Scarface de Howard Hawks, scénarisé par Ben Hecht, avec Paul Muni dans le rôle principal, s’inspirait de la vie d’Al Capone, immigré italien devenu roi du trafic d’alcools pendant la Prohibition. Le Scarface de Brian de Palma, scénarisé par Oliver Stone, avec Al Pacino dans le rôle principal, adapte l’histoire originelle au contexte des années 1980. L’immigré cubain remplace l’immigré italien. Le trafic de drogues remplace le trafic d’alcools. Cette transposition est intelligente et intéressante, plus riche que son modèle en matière de critique sociopolitique (le capitalisme, la corruption…). La première moitié du film, consacrée à l’ascension du personnage central, Tony Montana, est assez classique et a pris un petit coup de vieux, tant dans l’expression d’une certaine frime virile que dans son style (quelques zooms appuyés, la musique de Giorgio Moroder…). Al Pacino en fait aussi beaucoup. Mais on se laisse emporter par la narration et la réalisation, qui ont leur moments de bravoure. Et la seconde partie du film, sur la décadence de Tony Montana, avec un Al Pacino un peu moins survolté, plus ravagé, trouve une puissance peu commune, entre fureur et folie, avec une certaine grandeur tragique. Le film aligne quelques compositions et scènes marquantes jusqu’au dénouement, apocalypse de feu et de sang, qui influencera de nombreux réalisateurs (Tony Scott, Quentin Tarantino…) dans un registre d’ultraviolence.