Inspiration d'innombrables films du même genre (The dreamers, Doom géneration), ce chef d'oeuvre de Jean Luc Godard, dépicte un trio infernal composé de deux amis inséparables, joués par Sami Frey et Claude Brasseur, à l'allure d'Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, et d'Anna Karina, naïve et lunatique.
Le trio, cette "Bande à part", trouve une harmonie temporaire, accompagnée une tension casi-palpable de ménage à trois toute à fait charmante.
Représentés comme des laissés pour comptes de la société, ces marginaux sont dans une bulle, qui les pousse à errer dans les décors poétiques de la capitale toujours représentative de l'état d'âme des personnages, à la recherche d'excitation. Cette errance sans but, témoigne d'une recherche de sens a l'existence avec comme thème la question philosophique "Quel est le sens de la vie ?"
Sans foi, ni loi, nos protagonistes enchaînent les débauches, accompagnée par une voix off, celle d'un narrateur omniscient nous 'décrit les sentiments des personnages' ajoutant ainsi de la profondeur, de la poésie et du romantisme, à la narration, qui rappèle fortement le style de narration d'un roman.
L'humour de Godard est omniprésent, notamment dans la scène mythique du bar, où les 3 protagonistes danses le jazz, entrecoupé par la voix off :
"Cette fois, c'est le moment d'ouvrier une deuxième parenthèse, de décrire les sentiments des personnages. Arthur regarde sans arrêt ses pieds. Mais il pense a la bouche d'Odile, à ses baisers romantiques. Odile se demande si les deux garçons ont remarqués ses deux seins qui remuent a chaque pas qu'elle faisaient.
Franz pense a tout et a rien. Il ne sait pas si c'est le monde qui est en train de devenir monde, ou le monde, rêve."
On ne peut s'empêcher de sourire face a ce réalisme, et du ton léger et moqueur mettant en abîme la fatalité de l'existence.
En effet ces personnages semblent désabusés, victimes de la banalité du quotidien, qu'iles cherchent a fuir, par un anticonformisme et un refus de toutes conventions sociales, notamment le mariage.
"en plus on lui rend service, elle va pas passer sa vie a faire la vaiselle pour de vieux"
Ils dégagent une légèreté enfantine et naïve, une insouciance libre, ce sont de grands enfants rebelles, pour qui rien n'est sérieux.
Godard s'amuse a créer un décalage entre l'image et le son, en associant une scene de violence avec un musique gai, afin d'alléger la dureté de la réalité, en s'en distanciant avec humour. Enfin, le metteur en scène aime nous distraire avec des histoires mi drôles, mi-sombres, au ton anecdotique, comptés par les personnages faisant une coupure dans la narration de l'histoire.
Cependant, cette gaité cache peu un mal de vivre criant, et un dégout de l'existence même.
Des dialogues sur l'amour et le temps qui passe, une incompréhension, face au tragique individualisme des gens et une solitude profonde, tout cela bercée d'une tendresse a fleure de peau nous rapproche des personnages qui pourraient sinon paraitre dénués d'humanité.
"Je suis a bout de chagrin et de fatigue
qu'est ce que que vous allez faire ?
Et vous ?
Moi, j'hésite entre le Nord et le Sud."