Poignante et fatale glissade sur l'innocence de l'enfant otage qui fait apparaître au fil de l'histoire l'envers et l'endroit : l'injustice où devait se trouver la justice, la tendresse où l'on attendait la brute, la confiance quand on craignait la trahison, la bêtise où l'on attendait le discernement, tout est à l'envers dans ce monde parfait. Machine à remonter le temps pour l'évadé en cavale, vers sa propre enfance, et la rédemption offerte par la confiance et la compréhension profonde de l'enfant. Machine à dévaler le temps pour celui-ci, qui aura vu le cœur de l'homme, acceptant son péché, sa fragilité, sa vérité, et perdu son innocence. De mauvais geste pour un bien, en bon geste pour un mal, Clint Eastwood retourne toutes les cartes des choses convenues, et fait saigner le confort des rôles superficiels, avec un grand sens de l'émotion et du drame. Ce film est en forme de fugue, bien sûr celle de l'enfant otage acceptant bientôt le choix que lui offre son propre ravisseur, mais aussi la fugue comme architecture en reflet, comme l'est l'écriture musicale d'une fugue de J.S Bach. La scène de fin, reflet et contraire de la scène du début, enfant et adulte reflets réciproques, l'allusion répétée à remonter le temps, ou encore le mal se reflétant dans le bien convenu. Dans un monde si paradoxal, c'est peut-être seulement cette forme qui s'autorise la perfection annoncée. Mais il faut parler aussi de la perfection de certaines scènes et de certains acteurs, en particulier le personnage du petit garçon, la clé magique de ce film. Alors, même s'il y a encore beaucoup à trouver dans ce film, et pour ne pas vous fatiguer davantage, à vous de le voir ou de le revoir.