Déception pour ce Clint Eastwood, ce qui est assez rare pour être souligné. Ce film avait pourtant tout pour plaire: un casting alléchant, un scénario plutôt sympa...
Mais il reste pour moi un peu trop manichéen. Dans sa période plus moderne, Eastwood arrive à nous dessiner des personnages et des rapports humains d'une justesse rare, en jouant sur un apprivoisement lent mais certain qui sonne très vrai. C'est le cas dans Million dollar baby, ou encore Gran Torino, qui reprend un thème plus que récurrent: l'absence du père, la construction d'un rapport paternel/filial entre deux êtres que tout semblent opposer.
"Un monde parfait" reprend ce souci de l'ordre de l’existentiel chez Clint, cette fois entre un dangereux criminel et un enfant débrouillard. Pourquoi pas? Mais tout va trop vite, tout est trop évident, trop parfait finalement. L'enfant qui s’accommode très bien de cette situation, le méchant qui s'attache au petit et se découvre une âme de protecteur tutoyant l'héroïsme. La surenchère continue jusqu'au face-à-face avec le père violent, aucours duquel Costner extériorise toute la rage accumulée contre son propre père qui n'en était pas vraiment un. Un peu too much.
Au fur et à mesure du film, on voit également apparaître des problèmes de rythme. Eastwood nous applique les temps du Western spaghetti, qui ne sont pas indispensables ici. Résultat: une dernière scène un peu larmoyante, qui traîne en longueur pour nous faire comprendre à quel point quelque chose de fort s'est tissé entre les deux protagonistes. Cet acharnement traduit bien les incertitudes d'Eastwood quant à la transmission de son message. Quand le message est suffisamment bien passé tout au long du récit, inutile d'avoir recours à une telle compensation.
Au final, ce film est un peu inclassable, les scènes les plus réussies demeurant les passages comiques, avec une mention spéciale pour la blague filée sur le camping car du gouverneur. On est donc emmenés, tantôt du côté de la comédie, tantôt vers la tragédie grecque, tantôt avec un objectif réalisme, et tantôt dans des moments aussi crédibles qu'une nomination de Michaël Youhn aux oscars. Résultat: il m'a un peu perdu, et je ne pense pas être le seul.
Petite tache dans sa filmographie, qui ne lui fait pourtant pas perdre son statut (que je lui descerne) d'un des meilleurs réalisateurs des 20 dernières années. Quelque part, c'est peut-être même rassurant. C'est avec ce genre de film que je me dis: "Bon, finalement, il peut avoir des moments d'égarement, c'est ce qui a dû le pousser à voter Bush".