Je ne parlerais que de «Smoking» (France, 1993) d’Alain Resnais, indépendamment de «No smoking», mais il est évident que l’un et l’autre, similaires, ne peuvent se dissocier. Tout ce que je dis donc sur ce volet du diptyque concerne indirectement son second épisode. «Smoking» débute donc par un choix : celui de fumer ou non. De cette décision, Resnais, Jaoui et Bacri, tous deux scénaristes, extraient deux films de l’imaginaire. Et l’imaginaire c’est bien le seul sujet de cette adaptation d’une pièce d’Ayckbourn. Comment ne pas rire face aux arrières cartons pâtes sinon en mieux les édifiant par notre imagination. L’imagination est, comme dans «La vie est un roman», terrain de jeu. Par les cartons «Ou bien-Ou bien il/elle dit», Resnais fantasme sur l’avenir en influant sur une seule réplique. «Smoking», c’est un peu Paris en bouteille que l’on pourrait contempler avec des «si». Et si… L’imaginaire de ce film resnaisien, où le théâtre comme dans «Mélo» et dans «Pas sur la bouche» est invoqué, s’appuie sur une autre vertu cérébrale : l’illusion. L’illusion est maintenue par le choix singulier de faire un film de 150 minutes avec seulement deux acteurs. Pour entretenir l’illusion, Resnais assujettis son découpage pour n’avoir dans une séquence que deux acteurs. C’est donc dans une succession fluide de dialogues que le film se déroule. L’illusion est parfaite par le grimage réussis d’Azéma et d’Arditi. «Smoking» est peut-être le film le plus ludique de Resnais, il y a du jeu, de l’amusement qui se déploie sous nos yeux et auxquels ont participe volontairement. Le jeu est partout, jusque dans les cartons dessinés par Floc’h. Comme ces enfants qui rêvent à ce qui se produirait si…, Resnais fabule et modèle son œuvre, de ses décors à son montage, pour donner vie à ce canton britannique. Plus fondamentalement, «Smoking» aborde l’imaginaire par le choix. C’est a posteriori, le choix qui gouverne l’imaginaire et l’illusion fabuleuses du film.