Hitchcock le grand maître...j'avais vu une image de ce film, celle où l'on peut deviner l'assassin en s’intéressant au contraste entre son corps noir sous les ombres et le verre de lait blanc qu'il tient dans la main. Image marquante. Film marquant. Tout y est parfait : les dialogues écrits avec un soin minutieux, la photographie qui joue sur le blanc lumineux et le très sombre, la narration superbe, le casting de choix, la musique qui apparaît comme classique de prime abord et qui adopte un ton sombre et menaçant au fur et à mesure que le drame complexe se noue...C'est un film qui met en avant la paranoïa, due au double jeu qui découle du mensonge. Hitchcock dresse un jeu de piste en faisant de nombreux clins d’œils amusés au spectateur qui se débat pour atteindre la sortie tout en souriant du bonheur que c'est de se savoir pris au piège. Le même genre de sensation que l'on ressent en dévorant un grand roman policier. L'interprétation est magnifique : Carry Grant parfait comme à son habitude se hausse encore plus haut dans ce rôle de garnement pas sage, Joan Fontaine déploie une extrême délicatesse si fascinante en fille trop « incarcérée » par ses parents, si bien qu'elle fut récompensée d'un oscar, et Nigel Bruce en bon copain parodique réussissent tous à mener à bien l'ambition d'Hitchcock. Le but du distordu scénario a porté ses fruit. On ne sait plus que penser, beaucoup d'indices semblent indiquer le meurtrier, trop même, et on se laisse prendre à l'opinion de Lina, suite à des moments émotionnels forts concoctés à l'aide d'effets de surprise, de montées musicales et de plans brutaux. Ce suspense nous donne des frissons, or il s'agit de la retranscription cinématographique des peurs intérieures de Lina qui lui font appréhender les situations vis à vis de son mari différemment. Bien entendu cela triomphe aussi sur le spectateur et lorsque la conclusion arrive, suite à une attente si forte du meurtre que la tension est poussée à son paroxysme, on comprend cette influence émotionnelle de Lina qui nous a échut à craindre Aysgard. Pourtant, à présent que l'angoisse est tombée, on réfléchit correctement et l'on se rend compte...que la conclusion n'en est pas une et ouvre deux voies possibles. Un tour de force bien plus malin qu'il en a l'air, une excellente démonstration narrative, avec une fin stupéfiante. Le meurtrier prouve rationnellement qu'il n'en est pas un, avec es arguments qui concordent selon tout ce qui a précédé, sa femme est convaincue, mais est-ce encore une entourloupe ?