Du pur Bergman. Il s'est rarement lâché avec autant de légèreté dans ses films, n'hésitant pas ici à nous faire part de son profond mépris pour l'hypocrisie du luthérianisme suédois avec un humour des plus sarcastiques. Et le résultat est franchement désopilant. Il décide de mettre en scène le combat entre Dieu et Satan, avec pour enjeu la chasteté d'une fille de pasteur, Satan décidant de renvoyer sur terre Don Juan afin de remédier à ce qu'il considère comme un affront... On reconnaît bien là l'humour irrévérencieux du cinéaste. Nombre de passages sont irrésistibles de second degré, les acteurs sont ignobles à souhaits (pour ce qui est des serviteurs du Diable) et les textes sont délicieusement impertinents. Rien n'échappe à l'oeil moqueur du réalisateur, et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il enchaîne les scènes (auto)parodiques, les situations vaudevillesques et autres piques à la morale protestante. Bien sûr, et Bergman fut loin d'être le dernier à le reconnaître, l'oeuvre est bancale. Le style n'est pas toujours pertinent, la fin est un ton en-dessous du reste, la réflexion reste légère et assez superficielle. Mais pour autant l'ensemble est loin d'être dénué d'intérêt. En plus de l'hommage adressé à Molière, on retrouve toutes les obsessions de Bergman une fois de plus réunies : la fidélité, le couple, la sexualité, la morale, la religion, la foi, Dieu, la mort. On retrouve ainsi beaucoup du cinéaste dans le personnage de Don Juan, coureur de jupon invétéré mais qui finira par trouver le véritable amour, pour la première fois de sa vie. De même, plusieurs séquences sont visuellement inoubliables, comme la représentation pervertie des Enfers ou la venue du Commandeur. Bref, même s'il n'est pas un des meilleurs films de Bergman, «L'Oeil du Diable» vaut largement le détour, surtout qu'il s'avère très divertissant! [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/