Pour « Joan of Arc », Maxwell Anderson s’est inspiré de sa pièce « Joan of Lorraine » en se passant de sa structure jugée peu ciné génique par la production, mais en restant fidèle à l’esprit. Plutôt qu’une guerrière, Jeanne est davantage présentée comme une jeune femme qui face à ses doutes cherche toujours la réponse dans sa foi et les voix du Seigneur, même si ses voies restent impénétrables. Ainsi, à l’exception de la prise d’Orléans, les autres victoires, comme la défaite de Paris et sa capture ne sont évoquées que verbalement. Jeanne passe donc plus de temps priant à genoux que debout épée à la main, étendard au vent. Si l’assaut des remparts d’Orléans est techniquement bien réalisé il succède à une arrivée dans le camp de l’armée française qui fait une peu chiche avec une quarantaine de figurants coincés dans un studio étriqué, accpmpagnée par une musique peu inspirée de Hugo Friedhofer, loin de Miklos Rosza ou même Herbert Stothart (l’arrivée de Marie-Antoinette à Versailles dans le film de Duvivier en 1938). Les côtes de mailles et amures sont en fer blanc (7 kilos au lieu de 30), peintes pour faire acier vieilli, sauf celle de Jeanne pour lui donner un côté tout neuf. Le problème c’est que ça fait métal pour boîte de conserve ! Globalement la photographie de Joseph Valentine, William V. Skall et Winton Hoch, est correcte, sans plus (nominée aux Oscars). Heureusement les dialogues soignés et le respect historique issus de la pièce sont illustrés par une interprétation brillante. A commencer par Ingrid Bergman, qui tenait déjà le rôle sur la scène et dont ce projet tenait à coeur, campant une Jeanne fragile, hésitante, mais aussi poussée par un destin dont son mysticisme empêche de percevoir toute la grandeur. Mais elle n’a pas l’âge du rôle (quinze ans de plus !). Certes, pas davantage que Renée Falconetti, dont la légende veut que quelques mois avant son décès, Bergman aurait dit que si elle avait vu le film de Dreyer, jamais elle n’aurait accepté le rôle, tellement l’interprétation de Falconetti paraît inapprochable (peu probable compte tenu de la volonté féministe de la suédoise). Le reste du casting est épatant, avec José Ferrer (Charles le Dauphin), J. Carrol Nash (Comte de Luxembourg) et Ward Bond (La Hire). Mais Hollywood sera toujours Hollywood et présentera ici, le plus abominable évêque Cauchon de l’histoire du cinéma, synthèse de presque tous les défauts de l’être humain : arriviste, veule, cruel, lâche, mielleux, vicieux, menteur et pervers (et encore j’ai du en oublier), parfaitement incarné par Francis Sullivan. De ce film au budget très important il ne reste vraiment, côté spectaculaire, que le couronnement de Charles VII mais sans plan extérieur de la cathédrale de Reims (la plus parfaite architecturalement) et un procès qui, pour les historiens du cinéma, restera coincé entre la formidable « Passion de Jeanne d’Arc » de Carl Th. Dreyer et la reconstitution « documentaire » du « Procès de Jeanne d’Arc » de Robert Bresson. Globalement Fleming et son monteur ne parviennent jamais à donner du rythme à cette histoire extraordinaire, dans tous les sens du mot, et semble parfois en manque de densité, même dans la version originale (1948) et celle restaurée 1998) de 145 minutes, évitant le côté historique qui fâche. Charles VII se serait débarrassé de Jeanne d’Arc devenue trop encombrante, ce que montrera Luc Besson dans sa « Jeanne d’Arc », malheureusement hystérique et ridicule. La sortie américaine fut très décevante. Ingrid Bergman ayant une liaison avec Roberto Rosselini, le public américain considéra qu’il était blasphématoire de faire interpréter une sainte par une femme adultère (source IMDb). Pour les oscars le film fut nominé sept fois, mais pas dans la catégorie meilleur film, ni meilleur réalisateur.