Pour le seul western de sa filmo, Preminger a pu profiter du Cinémascope, procédé qui venait d'être mis sur le marché par la Fox. Avec, en plus, les belles couleurs du Technicolor, le film offre un spectacle exploitant joliment la beauté de paysages d'eau et de forêt. Le réalisateur ne paraît cependant pas très à l'aise dans le registre de l'aventure : images superposées pas très fines lors de la descente des rapides, utilisation de mannequins bien visibles... Preminger fait aussi intervenir des Indiens pas très crédibles et montre un combat un peu ridicule entre Matt et un puma. Dommage, mais peu importe, finalement, car l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est dans la sensualité et le fort potentiel hormonal du film. Le cinéaste exacerbe la virilité de Robert Mitchum (avec sa grosse voix, sa belle carrure) et la féminité de Marilyn Monroe (à la fois sexy et maternelle). Cela donne quelques moments gentiment érotiques et connotés sexuellement : la descente aspergée des rapides, façon concours involontaire de t-shirts mouillés, ou la scène de la grotte, au cours de laquelle Robert frictionne Marilyn nue sous une couverture...
Ce river-movie, qui développe par ailleurs les thèmes de la vengeance, de la rédemption et de la relation père/fils, n'est pas fondamentalement un grand film, mais c'est un film qui fait date. Une bonne compote de western et d'aventure avec de vrais morceaux cultes à l'intérieur. Outre les joies du Cinémascope et la mise en valeur de la mythologie personnelle des acteurs, on notera la qualité des dialogues et les petits bonheurs que sont les chansons interprétées par Marilyn : One Silver Dollar, Down in the Meadow, I'm Gonna File My Claim, River of No Return... Pour l'actrice, ce western représente en outre son premier galop d'essai en tant que star féminine unique (dans ses premiers films, elle tenait des rôles secondaires ou partageait la vedette avec une autre actrice, comme dans Les Hommes préfèrent les blondes). On peut dire que l'essai fut assez concluant...