J'ai littéralement eu un coup de foudre pour ce film. Woody Allen est un génie, je n'ai pas peur de le dire. Son pouvoir d'acteur est énorme, il réussit à nous retranscrire un personnage paranoïaque et névrosé et c'est un délice coupable pour le spectateur de le voir ainsi se tourmenter dans les méandres de la vie sentimentale. C'est un film intelligent, pas un film intello. On ne peut pas traiter ce film d'intello juste parce que le personnage d'Alvy fait régulièrement des références politiques et culturelles à droite et à gauche, il faut voir au-delà. Il faut y voir là un homme cultivé, un homme qui a des capacités intellectuelles importantes et déceler le contraste qui s'opère entre lui et Annie Hall, simple provinciale sans grande confiance en elle. Et ce qu'il y a de plus beau dans cette relation, c'est que justement rien ne les rassemble. Ils peinent à trouver un sujet qui les concernent tous deux et qui les mettent d'accord. Rien ne présageait qu'ils pouvaient vivre une histoire d'amour et malgré tous leurs défauts éventuels, c'est ce qui est arrivé. Ce film dégage une telle impression d'universalité du propos et une originalité à toute épreuve que je peux le regarder sans compter. Car il faut bien le dire, Allen a révolutionné une partie du cinéma. Il a réussi à créer une nouvelle relation entre le film qu'il crée de ses mains et le spectateur qui le regarde. Au début du film, Alvy s'adresse directement à lui, il pourrait se confier à n'importe qui, un ami, un psychologue, et pourtant c'est à nous et nous seuls qu'il confie ses craintes, ses désillusions, ses points de vue sur la vie, nous ouvrant ainsi son journal intime. Et même dans La Rose Pourpre du Caire, voir ainsi l'acteur sortir de l'écran et ainsi se retrouver dans la vraie vie, cela a quelque chose de hautement symbolique, comme si le réalisateur voulait tout faire pour rapprocher les deux environnements et les lier en définitif. A vrai dire, Allen me fascine depuis toujours. Il a ce don de faire rire en étant pathétique, d'inspirer de la sympathique même lorsque les éléments jouent contre lui et mélange à merveille les scènes comiques et les scènes nostalgiques. Car ce qui ressort de ce film, c'est l'histoire d'un homme qui ne voulait pas voir plus loin que son nez et qui ne s'est pas révélé être à la hauteur d'une femme dont les ambitions voulaient la porter encore plus loin dans la chanson, art dans lequel Alvy l'a poussé à persister dans ses périodes de doutes et c'est là tout le tragique de cette histoire. Qui n'a jamais voulu garder une petite copine, une fiancée, un grand amour près de soi et le garder jalousement et peut-être égoïstement, le protéger en quelque sorte du monde extérieur, alors que celle-ci aspirait à mieux? Voilà donc un homme qui s'est fait dépasser par les intentions de la femme qu'il aimait. Mais n'y voyez pas là un film triste et pathétique. Il n'en reste pas moins une grande comédie, qui n'a que très peu vieillie. Je pourrais écouter des heures le personnage d'Alvy sans jamais me lasser parce que... l'alchimie est tout simplement parfaite ! Le type est dépressif et perturbé (il faut bien le dire) et il est capable de vous parler de Freud et autre Balzac. La culture au service de la dépression, en quelque sorte. Et toutes ces mimiques et tons de voix que Woody Allen emploie pour camper ce personnage sont tout simplement irrésistibles. Il faut bien dire que le futur réalisateur de Manhattan (1979) sait également s'y prendre pour se moquer de lui-même par les contrastes entre ce qu'il dit avoir été et ce qu'il a vraiment été, comme si il voulait se réfugier dans une carapace et qu'aussitôt il la brisait pour dévoiler ses failles à ses spectateurs, pour ainsi qu'il discerne un peu mieux le personnage. Rendons donc à Allen toute la modestie qui lui reviens de droit, malgré ce que disent certains sur la prétention de se mettre soi-même en scène. Je sur-interprète peut-être le film, mais j'y vois là une formidable ode à la vie et à l'ouverture d'esprit, thèmes qu'il continuera de développer dans Manhattan d'ailleurs car au fond, l'amour ne se base pas sur des connaissances, mais des sentiments, et ces sentiments ne s'acquiert pas par l'esprit, mais par le coeur. Et c'est sûrement ce qui fait toute la beauté de l'Amour.