Je me mets tardivement à la filmo de Woody Allen, et pour ça quoi de mieux qu’Annie Hall, doublement premier Oscar, virage ayant conduit l’intello juif newyorkais myope, dépressif et libidineux, de petit comique à grand cinéaste ? On le comprend presque immédiatement, c’est sa vie elle-même qu’il met ici en scène : sa liaison tumultueuse, mais qu’on croyait indestructible, avec une Diane Keaton qui offre en quelque sorte son nom au film (je vous laisse consulter les détails sur Wikipédia). Le réalisateur aussi voile son identité, passant d’Allan Konigsberg à Alvy Singer, en une sorte de mix anagramme et diminutif. Il a manifestement convaincu son ex-femme d’extérioriser jusqu’au bout tous ses souvenirs, joyeux et tristes, comme lui le fait si naturellement, comme si derrière l’objectif se trouvait leur psychanalyste. C’est bavard et c’est perturbant, mais on peut aussi bien y voir une certaine truculence, un humour à la fois dynamique et désabusé, qui vient s’ajouter aux nombreuses incartades surréalistes dont le script regorge. Car il se lâche, notre ami, il interpelle son spectateur, invite des célébrités à jouer leur propre rôle, fait un petit tour vers l’animation, s’amuse des époques et des mises en abîmes. Le résultat est à la fois quasi cheap, et incontestablement virtuose, comme le cinéma d’un précurseur à Michel Gondry, d’un Truffaut qui vivrait aux Etats-Unis, bref, comme celui d’un ponte d’hier et d’encore aujourd’hui.