Avec un tel sujet, on pouvait légitimement redouter une exploitation outrancière de l'émotion. Heureusement, ce n'est pas trop le cas. Bien sûr, on a droit à notre demi-heure moralisatrice à base de "il ne faut jamais se plaindre, toujours se battre, faire confiance à son coeur" et toutes les conneries du même style. Mais cela aurait pu être pire. L'intrigue n'a rien d'extraordinaire mais elle tient la route. La musique est à oublier très vite. Jean Gabin, égal à lui-même, ne connait pas son plus grand rôle mais il donne du punch au film.
Jean Gabin et Georges Lacombe se retrouvent à peine cinq ans après avoir tourné ensemble “Martin Roumagnac” qui marquait en 1946 le retour en France de l’acteur mais aussi sa rupture avec Marlène Dietrich, sa partenaire dans le film. Depuis Jean Gabin s’est marié avec Christiane Fournier et est devenu père d’une petite fille. Le jeune homme qu’il pouvait penser être encore à son retour d’Hollywood est définitivement derrière lui. Il est donc dans de meilleures dispositions pour accepter d’incarner sur l’écran un homme devenu aveugle qui va devoir faire l’apprentissage de son handicap. Privé de son regard qui jusqu’alors avait fait une partie de son succès, Jean Gabin va montrer qu’une fois un rôle mûrement accepté, il peut donner le meilleur de lui-même en adaptant son jeu à n’importe quel contexte. Qualité qu’une certaine critique lui reprochait de ne pas posséder, se contentant trop facilement de ne faire que du “Gabin”. Scénarisé par Marcel Rivet et dialogué par Charles Spaak que Gabin connaît bien, le film revêt un aspect documentaire tout à fait précis qui a dû fortement aider les acteurs dans leur recherche de crédibilité. La production a en effet obtenu le précieux concours de l’Institution Nationale des Jeunes Aveugles très présente auprès des acteurs. Clin d’œil à sa prestation dans “La bête humaine” (1938) de Jean Renoir, Jean Gabin est une nouvelle fois chauffeur de locomotive. Lors d’une vacation, il porte en vain secours à son mécanicien (Paul Azaïs) intoxiqué par une émanation mortelle de vapeur. Il tombe aveugle. L’homme insouciant qu’il était, vivant chez sa mère et occupant son temps à chasser, jouer au billard et à conter fleurette entre deux vacations va devoir se confronter au dur apprentissage de la vie de non-voyant spoiler: tout en restant persuadé qu’une opération est envisagée dans quelques mois comme le lui a fait croire son chirurgien. La fréquentation du foyer pour aveugles va l’obliger à une humilité qui n’était pas forcément sienne initialement et surtout lui faire rencontrer une jeune professeure elle aussi aveugle interprétée par une très convaincante Simone Valère dont la grâce et l’humanité font ici merveille. Georges Lacombe s’y entend pour marier harmonieusement romance et réflexion sur l’appréhension un peu hypocrite du handicap par la médecine spoiler: qui parfois entretient à dessein le mensonge, laissant les patients dans une profonde détresse avec en fardeau supplémentaire l’impression d’avoir été dupé.
Jean Gabin s’accommode parfaitement de tous les aspects de son rôle dans une prestation d’autant plus remarquable qu’elle sort de son registre habituel. Le film présenté au Festival de Venise en 1951 permettra à Gabin de remporter la coupe Volpi devant Marlon Brando dont l’avènement mondial dans “Un tramway nommé désir” d’Elia Kazan prend à l’époque des allures de tornade. Les prestations de Gérard Oury, Jacques Dynam, René Arnoux, Suzanne Dehelly contribuent à l’excellente tenue d’une intrigue sur un sujet jusqu’alors très peu abordé certes parfois un peu naïve mais dont la sincérité n’est jamais prise en défaut. Ce joli film sera un succès et fera de cette collaboration de trois films entre les deux hommes une franche réussite. Elle ne survivra malheureusement pas au choc que sera “Touchez-pas au grisbi” de Jacques Becker qui sera le film séminal de la nouvelle voie que prendra la carrière de Jean Gabin. Une collaboration un peu oubliée car placée dans la zone dite grise de la carrière du grand acteur située entre 1946 et 1954 qu’il convient de réhabiliter
Un très bon film avec Gabin et traitant d'un sujet délicat et rarement exploité au cinéma: la cécité. Gabin interprète avec brio un ancien conducteur de locomotive devenu aveugle à la suite d'un accident. L'histoire est réaliste, bien racontée avec de beaux dialogues et empreinte d'émotion. Le personnage de Gabin est touchant, l'acceptation de son handicap demande beaucoup de patience et de courage pour surmonter par exemple le regard de ses anciennes connaissances ou amis. L'histoire d'amour avec l'institutrice aveugle, la jalousie de l'amant de celle-ci et son amitié avec le réparateur radio aveugle sont des séquences magnifiques et rendent ce film vraiment agréable. Du beau cinéma français d'époque.
Après nous avoir fait croire, dans les cinq premières minutes, qu'il reprenait sa casquette de cheminot, Jean Gabin nous fait comprendre qu'il a entrepris un tournage plein de "clins d'oeil" : à La Bête humaine donc, mais aussi à ses rôles habituels auxquels on peut ici dire adieu. En collaboration avec l'Institution des Jeunes Aveugles de France, l'oeuvre nous fait facilement confondre acteurs voyants et non-voyants, à tel point qu'on ne peut qu'admirer la performance de Simone Valère qui incarne une aveugle sans l'être elle -même. Avec un petit côté documentaire, ce film met suffisamment de côté les standards franchouillards pour un "aperçu" riche et profond de la cécité.
Un grand film, injustement méconnu, plein d'émotion et surtout... d'espoir (à la fin). Un grand Gabin et les autres comédiens sont eux aussi excellents ! Chapeau bas !
Un drame assez pale, manquant de relief du fait d'une mise en scène assez conventionnel. Pourtant, faire un film sur les aveugles est toujours honorable, mais à condition qu'il provoque de réels émotions chez le spectateur. Or, c'est d'assez loin que ce dernier suit ce film, certes pas désagréable, mais manquant cruellement de conviction. Jean Gabin livre quant à lui une prestation honnête, mais ce n'est pas (et de loin) son meilleur role. Il est ici éclipsé par Simone Valère, magnifique et c'est d'ailleurs la seule qui arrive à v"hiculer de l'émotion durant la durée de ce film. Honorable, mais cela aurait pu être vraiment mieux. Dommage.
Un incident sur sa locomotive fait perdre la vue à un cheminot. L'enjeu de ce film aux allures de mélodrame pourrait être la guérison annoncée de Pinsard. Mais celui-ci en est tellement persuadé que le spectateur finit par en douter. En réalité, l'intérêt et la vocation du film de Georges Lacombe sont ailleurs. Les auteurs, et peut-être Jean Gabin lui-même, sont en mission. Au moyen d'une scénario sans grande épaisseur et dans un intention didactique, ils relatent le cheminement incertain d'une personne atteinte de cécité. Du renoncement à l'acceptation, de l'intégration dans un centre adapté à la familiarisation avec les méthodes "modernes" de prise en charge, le personnage joué humblement par Gabin caractérisent les étapes et le parcours de soins jusqu'à la résilience. En définitive, ce n'est pas tant un mélo que réalise Georges Lacombe qu'une sorte de fiction documentaire, laquelle n'est pas -au-delà des ficelles un peu grosses du scénario, telle la relation sentimentale qui s'annonce entre Pinsard et sa jolie professeure de braille- sans installer une sincérité touchante. Le film ressemble parfois à une commande de l'Assistance Publique ou du ministère de la Santé mais son reflet de l'existence des aveugles n'est pas le tire-larmes qu'on redoutait.
Plutôt un film d'information ou de propagande sociale mais on se laisse prendre au jeu. Gabin la joue tout en finesse et Simone Valère est splendide. Un film pleins d'émotions avec un sujet peu évident à traiter de manière attrayante dans un film.
Un film d'éducation ouvrière dans le plus pur style de années 50. Perso j'aime bien le style bien que c'est parfois assez mielleux. Une morale qui fait sourire aujourd'hui mais qui reflete bien son époque