Après des décennies d'adaptations de super-héros au cinéma, on est aujourd'hui complètement anesthésié par l'annonce de tel ou tel projet de comics portés sur grand écran. Mais il faut se rappeler qu'à l'origine de tout cela, il y a le "Superman" de 1978, véritable pari gagnant ! A l'époque, convertir un comics dans une histoire qui tient la route en deux heures, et surtout transposer à l'écran des super pouvoirs de manière crédible, était jugé infaisable. Qu'à cela ne tienne, les Salkind père et fils prennent le taureau par les cornes, et alignent la monnaie et les talents pour porter au cinéma le célèbre super-justicier. Un succès technique et financier qui lancera une franchise, le genre super-héroïque, et fera de Superman l'un des symboles de l'Amérique reaganienne. Qu'en reste-t-il ? Et bien pour ceux qui en douteraient, ce premier "Superman" vole encore largement au-dessus de la plupart de sa concurrence récente. Car s'il fait partie de la première vague de blockbusters modernes, il s'agit bien d'un vrai film de cinéma, où la technique et le talent sont au service de la narration, mais surtout d'une poésie particulièrement bienvenue. Le film aligne en effet les passages mémorables d'un beauté certaine, portés par la sublime BO de John Williams (outre le thème principal que tout le monde connait, bon nombres de thèmes secondaires se dégagent sans mal). Et pour cause, c'est Richard Donner derrière la caméra. Au-delà de son talent, les relations lors du tournage furent très compliquées avec les producteurs, le réalisateur étant apparemment trop perfectionniste pour respecter le délai et le budget. Cela explique sans doute la chute de qualité des films après son départ... Sur le volet technique, beaucoup d'ambitions, avec évidemment ces scènes de vol bluffantes pour l'époque, allègrement mis en avant par la promo (et même discutées de manière méta par les personnages du film !). Il faut bien avouer que tout cela n'a pas extrêmement bien vieilli (les projections de fond et les incrustations sautent aux yeux). Mais la prouesse est remarquable, sans gommage numérique ou quelconque CGI. Et là encore, les effets sont au service du récit, pas le contraire. A ce niveau, le scénario signé Mario Puzo (tout de même !) est un modèle du genre, dénommé origin story aujourd'hui. En un peu plus de deux heures, il parvient à développer sans bout de gras la société et la chute de Krypton, la jeunesse de Clark Kent, les débuts de Superman, sa relation avec Loïs Lane, et son affrontement contre Lex Luthor. Côté acteurs, Christopher Reeve est encore à ce jour cité comme le Superman de référence, et cela n'a rien d'étonnant. Son allure carrée, son regard d'acier, son charisme, son léger cabotinage en Clark Kent maladroit et ses changement de posture pour incarner le justicier idéaliste en font un Superman parfaitement adéquat. Si on peut être un peu réservé sur Margot Kidder assez antipathique en Loïs Lane, Gene Hackman et Ned Beatty sont amusants en criminels. Et bien sûr, Marlon Brando est impeccable en Jor-El, qui domine le premier acte du film sans mal. On aboutit à une œuvre qui tient sans mal la route dans les années 2020, et dont le revisionnage fait sacrément du bien devant un genre devenu trop souvent amorphe.