En seulement six ans et trois films, Michael Cimino aura tutoyé les sommets et sombré dans les tréfonds d'Hollywood. Après des débuts prometteurs grâce au "Canardeur" (1974) sous l'égide de Clint Eastwood comme producteur et acteur qui avait repéré le jeune scénariste sur "Magnum Force", Cimino se lance avec "Voyage au bout de l'enfer" (1978) dans le récit biographique de trois ouvriers métallurgistes partis faire la guerre du Vietnam qui comme beaucoup d'appelés connaitront un retour au pays encombré des traumatismes subis dans le fin fond de la jungle. Le pari était risqué, le sujet étant encore tabou à l'époque. C'est le jackpot, le film multi récompensé dans les festivals est nommé neuf fois aux Oscars et récolte cinq statuettes dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Voilà, Cimino devenu l'égal des Friedkin, Coppola, Scorcese, Ashby, ou De Palma qui ont tous un background supérieur au sien. Dans la foulée celui qui est devenu le chouchou d'Hollywood embarque United Artists dans la réalisation d'une immense fresque relatant de manière romancée l'épisode de la "guerre du comté de Johnson" conflit terrien empreint des relents racistes qui accompagnèrent la privatisation des grands espaces de l'Ouest américain. Trop ambitieux et sans doute pas assez immédiatement évocateur des enjeux qu'il entend exposer, le film sera un flop. Les montages successifs ne parvinrent pas à changer la donne et la United Artists fut emportée par le fond. Dès lors, Cimino qui avait entre temps acquis la réputation de réalisateur incontrôlable et mégalomane dut en rabattre sous peine de passer rapidement au statut de paria. Autant dire que les enjeux sont très forts pour lui quand il se voit proposer "The year of the dragon" par Dino De Laurentis l'adaptation du roman éponyme de Robert Daley. Faisant appel à Mickey Rourke l'acteur qui monte qu'il avait déjà dirigé pour un rôle très court dans "Les portes du Paradis", il se montre plus prudent en choisissant d'évoquer certaines des thématiques qui lui tiennent à cœur via le véhicule plus rassurant et surtout plus vendeur du film de genre. Ce qui connaissent bien l'œuvre de Francis Ford Coppola retrouveront dans "Year of the Dragon" comme dans "Deer Hunter" et "Heaven's Gate" des emprunts à la démarche opératique du réalisateur italo-américain et plus particulièrement au "Parrain" dont Cimino reproduit la stylisation de la violence en l'électrisant de la fameuse scène du deuxième volet de la saga où Don Corleone (De Niro) exécute son premier contrat en suivant la longue procession d'une fête de voisinage dans les rues de New York. Le capitaine Stanley White (Mickey Rourke) vétéran du Vietnam est devenu un flic respecté ayant remis de l'ordre dans plusieurs quartiers au prix de méthodes parfois expéditives signes d'un trauma encore présent et d'une volonté de trouver enfin un sens à une guerre ayant conduit à l'enlisement et dont les motivations ne sont jamais apparues très claires. Sa mutation à Chinatown ne pouvait qu'accroître la sensation pour White d'être à nouveau sur le terrain de la même guerre à spoiler: la recherche cette fois d'un ennemi bien visible, un jeune mafieux ambitieux , Joey Tai (John Lone très convaincant) qui s'est choisi un parcours à la Richard III pour atteindre les sommets de la triade familiale. C'est donc une lutte à mort qui s'engage, White ne reculant devant aucun dommage collatéraux. On peut compter sur Oliver Stone scénariste aux côtés de Cimino et lui aussi ancien du Vietnam pour faire de "L'année du dragon" un ballet sanglant où les scènes choc s'entremêlent avec les moments introspectifs où White constate dépité les ravages de sa fuite en avant. C'est d'ailleurs un peu la faiblesse du film que de présenter un homme aussi bicéphale, capable de s'apitoyer sur le sort réservé par les Etats-Unis aux ouvriers chinois ayant construit le chemin de fer traversant le continent et dans l'heure suivante d'envoyer comme indicateur son jeune collègue descendant de ces mêmes ouvriers se faire massacrer dans la gueule de loup. Idem pour l'incohérence qui laisserait penser que la hiérarchie de White est à ce point laxiste face à un capitaine ayant visiblement perdu le sens de la mesure. Le final enfin est tout à fait dans le style racoleur de Stone qui juste après l'enterrement pathétique de la femme de White victime du manque de discernement de ce dernier, nous le présente ragaillardi et peut-être même assagi dans les bras de la jolie journaliste (Ariane Koizumi) autre victime de sa quête purificatrice . Toutes ces faiblesses scénaristiques ajoutées à un manichéisme simplificateur ont valu au film d'être taxé d'un racisme primaire émanant de deux vétérans du Vietnam réglant leurs comptes par pellicule interposée. Reste un exercice de style flamboyant à prendre au second degré où Mickey Rourke et John Lone se renvoient la balle avec maestria.
Cinq ans après le cuisant échec de « la Porte du Paradis », Michael Cimino nous entraîne au chœur du quartier new yorkais de Chinatown où un inspecteur de police, esseulé par ses pairs, est prêt à tout pour faire respecter la loi et ainsi mettre un terme aux crimes orchestrés par les triades locales. La mise en scène est directe, crue, sans concession, quitte à choquer par son caractère et ses propos xénophobes. Les décors sont somptueux, la psychologie des personnages est richement scénarisée et les séquences sanglantes des fusillades sont nerveuses à souhait. Le rôle du «shérif» est brillamment tenu par Mickey Rourke. Face à lui, John Lone est vraiment convaincant, tout le contraire de la journaliste chinoise, tenue par un mannequin asiatique. Logiquement considéré comme la dernière réussite de Cimino.
A priori perdu pour le cinéma après l'échec cuisant de Heaven's Gate, Michael Cimino est pourtant resté bien droit dans ses bottes. Son Year the Dragon est peut-être une fulgurance, au milieu d'une filmographie sinistrée, mais il n'empêche qu'on y retrouve beaucoup de Voyage au bout de l'enfer, le chef-d'oeuvre du réalisateur américain. Le même soin apporté au casting, la même envie de sonder l'âme des Etats-Unis, derrière le mythe. Le même talent pour travailler le spectateur à l'usure, émotionnellement parlant, et ce même avec des personnages ambigus qui séduisent justement par leur complexité. Si on enlève une petite once de manichéisme (il faut dire que Cimino et son co-scénariste Oliver Stone sont bien connus pour leur virulence), l'écriture est parfaite et ses effets très bien ménagés par une mise en scène d'une ampleur intacte, qui ne s'engonce jamais dans un esthétisme trop envahissant. Mickey Rourke, alors au top de sa carrière, qui amorcera d'ailleurs par la suite une trajectoire étrangement similaire à celle de celui qui le met ici en scène, livre une composition troublante et intense. Ariane Koizumi est magnifique, et Jonh Lone transpire d'une classe glacée, qui sied bien mieux à son personnage que ne l'aurait fait un jeu outrancier. Bref, pour moi c'est un classique, qui en venant s'ajouter à Voyage au bout de l'enfer, fait vraiment de Cimino un des très grands cinéastes américains de sa génération.
Un film policier exceptionnel! Une histoire dans les tréfonds de Chinatown porté par un Mickey Rourke encore présentable et qui a un petit air de Bruce Willis! Le long métrage de Chimino frôle la perfection! Son personnage est charismatique, atypique, flic qualifié, détesté, détestable, trop impliqué, au grand cœur! "L'année du dragon" parle aussi de l'immigration, du racisme, du journalisme, de la réinsertion des soldats du Vietnam. Le tout dans une mise en scène efficace, offrant des scènes d'anthologie, appuyée d'une musique délicate représentative des années 80. Un très bon film policier
Après le fiasco des "Portes du paradis", Michael Cimino fait un retour fracassant avec ce polar fort et dur , plein de séquences choc (notamment la fusillade du restaurant), une image qui capte le regard, une action bien menée, un Mickey Rourke fantastique. Au-delà du documentaire sur les moeurs et les dessous criminels d'un ghetto asiatique, Cimino plonge sa caméra dans un Chinatown survolté et surpeuplé, et joue autant sur la violence que sur la dimension humaine de l'histoire d'amour et de l'affrontement viril. C'est aussi une réflexion sur la fascination du mal, où le jeu sobre de John Lone fait merveille. Pas un chef-d'oeuvre, mais presque.
Avec ce très bon polar/film noir, Michael Cimino nous emmène dans la violence et l’obscurité de Chinatown, qu’il sublime que ce soit dans sa réalisation ou l’atmosphère. On y suit un flic, marqué par la guerre du Vietnam et tout juste muté dans le quartier de Chinatown, qui va s’opposer aux gangs et mafias locaux. Le scénario co-signé Oliver Stone est bien écrit et plutôt bien construit, mais c’est vraiment la vision de Chinatown, très violente et esthétisé par la mise en scène de Cimino, ainsi que l’atmosphère sombre et crasseuse qui règne tout le long du film qui marquent vraiment. Mickey Rourke est excellent dans le rôle principal, les seconds rôles tiennent la route. On a même quelques références au Chinatown de Polanski (le sparadrap sur le nez). Une grande réussite et un très bon film noir, envoutant et passionnant.
Toujours délicat de juger un film 30ans après sa sortie, mais force est de constater que le film de Cimino a vieillit. On échappe pas au schéma classique du film policier, avec les différentes étapes qui l'accompagne... Reste cependant une excellente ambiance de polar et un très bon Mickey Rourke.
Mickey Rourke livre ici un solide one-man-show même si son interprétation n'est pas toujours très bonne. Bon scénario, excellentes scènes d'action, un bon divertissement.
Le souvenir de ce film relativement culte des années 80 était hélas embelli. La vérité c'est que ce film a drôlement mal vieilli et que ses défauts apparaissent de manière évidente lors d'une simple relecture. Il y a une scène qui, encore aujourd'hui, est assez marquante, c'est celle de l'attaque terroriste dans l'immense restaurant chinois. Une scène assez violente. Hormis cela, L'Année Du Dragon manque cruellement d'efficacité, mais surtout de finesse et de cohérence. Les dialogues sont vraiment nazes (dans un style bien lourdaud assez grotesque) et la plupart des personnages sont improbables. Le plus gros défaut pour moi est le manque de psychologie des personnages, notamment parmi les femmes mais aussi chez les policiers. Mais ce qui me déplaît également beaucoup c'est ce côté pro-américain totalement stupide, du genre "c'est les bridés qu'ont amené le mal chez nous". Euh ouais, bien sûr, faut croire que le public était bien naïf à l'époque. Le gouvernement américain était déjà très calé en matière de corruption, de manipulation, d'assassinat et de sympathie avec l'économie souterraine. Donc, globalement, sur le fond, il y a un réel problème de lucidité et de pertinence. En dehors de ça, Mickey Rourke est probablement celui qui s'en sort le mieux puisqu'il arrive à rendre un rôle détestable presque cool. Sans lui, ce film de Michael Cimino serait proche du navet.
Un capitaine de police arrogant, égoïste, et raciste est chargé de remettre de l'ordre dans un Chinatown rongé par le crime et les triades. "Year of the Dragon" est un polar caustique et glauque, donnant ainsi une image peu ragoûtante du quartier de New York. Le film sera même taxé de racisme à l'époque, certains critiques confondant les propos du protagoniste avec ceux du réalisateur. Pourtant, la première force du long métrage est là : il propose des personnages nuancés, charismatiques, et bien dessinés. Avec notamment d'un côté, Mickey Rourke dans l'un de ses meilleurs rôles, et face à lui un méchant froid, mais ambitieux et brutal, interprété par l'inquiétant John Lone. Par ailleurs, l'ambiance est très travaillée. On est proche d'un film noir, avec en prime de courtes scènes d'action efficaces, à la violence très graphique. "Year of the Dragon" est donc un film policier très réussi.
Un des meilleurs polars des années 80. Un face à face viril & mémorable entre un flic "prêt à aller jusqu'au bout" comme je les aime (excellent Mickey Rourke) et la terrible mafia chinoise. Et tout ça sublimé par la caméra virtuose de Cimino. Que demande le peuple ? Peut-être une fin un peu moins tarte à la crême, qui laisse un goût amer quand apparaît le gérénique final...