Johnny Jones est un reporter insignifiant. Johnny Jones est sur le point de se faire virer. Mais Johnny Jones devient Huntley Haverstock et Huntley Haverstock débarque à Londres avant qu'il n'ait eu le temps de réaliser ce qui lui arrive. Son patron, Mr. Powers, l'y envoie. Son objectif : Forcer la main d'un certain Van Meer pour obtenir des informations concernant la situation européenne à l'aube d'une guerre qui semble inévitable. La toile de fond est donc une préface de la seconde guerre mondiale, dans une ambiance éclectique, d'un univers sur le point de s'embraser. Davantage caractérisé par un humour cynique et une audace insouciante, Johnny Jones va se retrouver au cœur d'un conflit qui le dépasse, dans une histoire de complot où d'une manière ou d'une autre il sera le seul à pouvoir faire éclater la vérité au grand jour.
Si le film est si prenant et happe le spectateur dans son ambiance dès les premières secondes c'est parce qu'il arrive à intégrer un souffle comique et léger dans une intrigue sombre et haletante. Le personnage, principal atout du film, est le symbole de ces multiples facettes, capable de dérision envers le monde qui l'entoure tout comme d'un sens de l'auto-sacrifice surprenant. Il est drôle, pragmatique et empathique et on se régale à suivre sa mutation d'homme banal en véritable légende. Sa voix devient en quelque sorte la seule garante de la vérité, et, pour le meilleur et pour le pire, c'est lui qui incarne l'espoir dans un temps de crise. C'est donc un véritable cri d'amour qu'émet Hitchcok envers les journalistes engagés, ceux qui sont sur le terrain, mettant leurs vies en péril pour rétablir la vérité.
Bourré d'humour, le film prend ses marques avec brio, et la panoplie de personnages secondaires lui donnent une véritable ampleur. Le casting est excellent, que ce soit la pépite féminine en la personne de Laraine Day ou bien un George Sanders hilarant, qui forme un duo insolite avec Johnny Jones. Beaucoup d'ingéniosité se dégage de l'histoire et la capacité à mélanger le regard sur une situation réaliste et déprimante avec un regard plus artistique et décalé fait du film un cocktail assez unique qui remplit son rôle à merveille. Si, comme dans La cinquième colonne, je trouve la dernière partie plus insignifiante (mis à part la dernière scène), ici ce constat est beaucoup moins préjudiciable ; puisque dans l'ensemble le film garde sa magie singulière et nous laisse un souvenir très agréable. Plus nuancé dans son propos, plus cohérent, Correspondant 17 réserve de jolies surprises ; dont l'un des thèmes phares du réalisateur, à savoir comment faire cohabiter l'amour avec le devoir du citoyen.
Une dernière scène coup de poing vient conclure un film qui, hormis un passage devenu anecdotique au fil du temps (celui de l'avion), est une réussite en tout point. Johnny Jones est tout simplement le personnage qu'il fallait pour raconter une telle histoire, ni trop héroïque, ni trop simplet, il attise notre sympathie et nous embarque avec lui dans ce jeu de pistes jouissif. Sa relation avec Carol Fischer pourrait paraître niaise par moment mais Hitchcock joue justement sur cette niaiserie pour faire dans l'humour et dans le second degré, ce qui rend le tout beaucoup plus appréciable. Un film complet en somme, qui comblera n'importe quel amateur du genre et bien plus encore.