Qu'il est difficile de noter Shining. Une œuvre qui possède d'innombrables qualités, mais qui peut toutefois perdre de son charme pour qui a déjà lu le roman de Stephen King. L'auteur a en effet eu beaucoup de mal à apprécier le film, pour ne pas dire qu'il l'a, en réalité, détesté. Pire, il aurait demandé à ce que son nom ne soit pas associé au long métrage de Stanley Kubrick, tellement sa déception fut grande à l'issue de sa projection en avant-première. On peut penser que cette réaction peut être quelque peu extrême, or il y a de toute évidence un fossé – en termes d'attentes – entre le résultat final, et ce que le spectateur est en droit de réclamer. Là où les avis divergent, c'est sur la définition même d'une adaptation cinématographique : Elle peut être à la fois libre, ou fidèle à l'œuvre à laquelle elle fait référence. La force du roman passe notamment par la descente aux enfers des protagonistes, mais plus particulièrement en ce qui concerne Jack Torrance, qui sombre peu à peu dans la folie au fur et à mesure qu'il s'isole de sa famille, et arpente les couloirs de l'Overlook en quête de connaissances sur son sinistre passé... Une partie abordée dans le long métrage, mais en demi-teinte. C'est à penser que le personnage joué par Jack Nicholson est fou, et ce bien avant même qu'il ne soit entré dans l'hôtel ; ce qui modifie totalement l'impact et la lecture du personnage que l'on va avoir tout au long du film. Dénuée de cet axe narratif, qui constitue l'essence même du roman de King, l'œuvre de Kubrick perd considérablement en puissance. Fort heureusement, les talents du réalisateur ne sont plus à prouver, et les choix scénaristiques, qui viennent desservir un tant soit peu le projet, sont compensés par un cadre splendide assurément propice à l'action, une photographie tirée au cordeau, une mise en scène intelligente, et une bande son particulièrement anxiogène. Un tableau sublimé par l'interprétation de Jack Nicholson qui excelle dans son rôle de psychopathe. Selon la manière dont on décide de se positionner en amont du film, il est peu probable que l'on ressorte avec la même vision ; raison pour laquelle ce dernier continue de faire débat encore aujourd'hui. Il n'en reste pas moins que, d'un point de vue strictement cinématographique, Shining brille par ses prouesses techniques, ses scènes désormais devenues cultes – sujettes à de nombreuses analyses et théories variées – et sa capacité à garder ses spectateurs en haleine jusqu'à son dénouement. Une œuvre majeure, à voir, et surtout à revoir si l'on souhaite en saisir toute la complexité.