Darren Aronofsky offre l’opportunité dorée à Mickey Rourke de sortir de l’ombre le temps de briller dans le costume tout trouvé d’une star du catch US sur le retour. Accro aux anti-inflammatoire et aux amphètes, seul au monde, les articulations endommagées, Randy, dit le bélier, continue d’écumer les salles de sport, les foires populaires en jouant sur la prestance de sa carrière révolue. Alors que la santé leur assène un avertissement pour le moins sévère, Randy se remet en question. Mais la vie en dehors du ring est-elle plus accommodante? The Wrestler dresse un tableau pessimiste du star-système, du rêve américain alors que les meilleurs moments ont été vécus et qu’il s’agit de revenir sur terre, de dresser un bilan.
Mickey Rourke offre ici une prestation de tout premier choix, impressionnant autant physiquement que psychiquement, jouant le rôle de sa carrière, un miroir à son parcours d’acteur, glorieux il fût un temps et maintenant délaissé des plateaux. L’acteur impose son naturel, son expérience pour faire du bélier un personnage attachant, mais aussi un homme que le remord blesse continuellement. S’efforçant de vivre en dehors des salles de show, le géant catcheur prend le chemin de l’amour, de la réconciliation, en somme de la rédemption. Mais pourra t-il parvenir à reconquérir ce qu’il avait délaissé en vue de devenir la star qu’il fût? Amouraché à une strip-teaseuse, formidable Marisa Tomei, et en quête de retrouver sa fille délaissée, touchante Evan Rachel Wood, le catcheur vieillissant ne sera pas épargné, un pontage cardiaque au CV.
Aronofsky, dans une manœuvre très intimiste, tente de donner un sens à la vie d’un animal de foire, une célébrité passée qui recherche un nouveau sens à sa vie. Si le film peut paraître passablement léger, petit drame nuancé, il n’en n’est pas un récit très touchant sur l’Amérique des inconnus. Quoi de plus difficile que l’anonymat alors que la société vend du rêve? C’est simple, passer de la célébrité à l’anonymat. Forcé de souffrir pour survivre, incapable d’être quelqu’un d’autre que le bélier, Randy est autant admirer du public qu’il est moquer. On l’aime sur le ring, on l’aime en collants kitsch, mais l’on se moque de lui dans la vraie vie, l’on attend de lui qu’il en prenne plein la gueule. Là encore, le cinéaste parvient parfaitement à retranscrire le drame intérieur qui ronge son personnage principal, un combat intérieur que l’on retrouve chez la femme du cabaret, danseuse affriolante mère de famille et sans doute trop vieille pour son activité.
L’Amérique n’est pas ici un eldorado mais bel et bien un enfer pour les exclus, pour ceux qui ont déjà profité de la gloire. Mickey Rourke, une gueule amochée par la médecine et l’esprit torturé par des années de consommation de drogues, est le reflet parfait d’un homme battu, s’étant battu lui-même. Un film, de ce fait, très oser, une sorte de confession pour l’acteur et le moyen idéal pour son réalisateur de perpétuer son nom. Acclamé à Venise, The Westler, drame intimiste et touchant, préfigure du chef d’œuvre qui suivra, Black Swan. Soyons au moins sur d’une chose, Aronofsky n’aura jamais été meilleur que lorsqu’il cherche à violer l’intimité de personnages torturer, d’une danseuse ballerine à un catcheur, en passant par des héroïnomanes. Excellent. 16/20