Bon alors, un film sur le catch, le truc le plus c*n du monde avec le tuning. Enfin j'exagère un peu, c'est un peu moins stupide que ça. Surtout que, comme le cinéma, le catch est un spectacle, un art du faux. Du coup on pouvait s'attendre à un parallèle entre les deux, une sorte d'étude comparative de la part de Darren Aronofsky. Mais il n'en est rien. Pas d'analyse fouillée ni de véritable développement sur un tel sujet, et le film se contentera de rester à la surface des choses. C'est d'ailleurs ce défaut qu'on peut lui reprocher principalement, cette manie d'effleurer ses thématiques, ses intrigues, sans creuser davantage.
The Wrestler est un bon film, mais c'est tout. Il promettait tellement qu'on peut finalement ressentir une pointe de déception au vu du résultat. Le scénario étant trop classique pour être intéressant, c'est peut-être du côté de la mise en scène qu'il faut chercher un éventuel salut. Mais Aronofsky ne fait que du sous-Dardenne, il séduit certes par le dépouillement qu'il propose, sa manière simple de filmer, mais il peut aussi agacer quand il s'égare dans l'absence de subtilité et qu'il tombe dans l'explicatif. C'est par exemple le montage sonore avec les cris de supporters, ou encore la lourde métaphore christique dont on retrouve ça et là des signes.
Dans The Wrestler il y a aussi la figure de Mickey Rourke. A tous les sens du terme. Soit l'acteur, la personnalité que l'on connaît, et dont on ne peut s'empêcher de comparer le parcours personnel avec celui du personnage qu'il interprète : la gloire avant la déchéance. Et il y a cette figure physique, visage fatigué marqué par l'inexorable passage du temps et le poids trop lourd des années. Dans The Wrestler, le corps d'une manière plus générale est aussi un personnage central. Il est intéressant dans la manière dont il s'oppose au mental, et cela concerne particulièrement le personnage de Randy, incapable de continuer la pratique de son sport, mais qui ne peut se résoudre à jeter l'éponge. C'est que, pour lui, l'attachement du public et la passion qui anime ce dernier valent bien un sacrifice. Dans ce sens, moralement parlant, The Wrestler est un film admirablement beau pour la simple raison que son personnage principal a du coeur. Chose toute simple mais ô combien essentielle.
Le corps usé passe aussi par la figure de la strip-teaseuse, qui se retrouve finalement dans la même position que Randy puisqu'on devine qu'elle ne pourra pas continuer à exercer son métier longtemps. Le film est assez émouvant quand il montre ces deux personnages rejetés, peut-être plus quand il s'attarde sur celui de Tomei puisqu'elle est " exclue " sur des considérations purement physiques et par d'autres personnages. D'une manière plus générale, le film décrit une Amérique de laissés-pour-compte, et la participation au générique de Bruce Springsteen ne fait que confirmer cette idée tant la figure du Boss s'associe naturellement à une oeuvre décryptant l'identité américaine.
On regrettera une fin bâclée, mais qui finalement est parfaitement représentative du film. Car The Wrestler a la mauvaise idée de ne pas dépasser les situations stéréotypées qu'il installe. La relation entre Randy et sa fille passe ainsi complètement au quatrième plan, se contentant de tirer des ficelles faisant apparaître en grosses lettres le mot " misérabilisme ". C'est qu'il ne suffit pas de vouloir faire comme les grands - ici les Dardenne - pour y parvenir. Il manque à la mise en scène de The Wrestler une profonde sincérité qu'on ne retrouve que dans le jeu de Mickey Rourke. Ailleurs, The Wrestler est un film d'intentions trop sages, dont le manque d'ambition fait s'évaporer la puissance émotionnelle que l'on trouve chez deux fameux réalisateurs belges.