Dans les films sur la boxe et les sports de combat, il y a ceux qui reprennent le bon vieux schéma du biopic : ascension, déclin et renaissance, comme "De l'Ombre à la Lumière" ou la plupart des "Rocky" ; on trouve aussi ceux qui assume l'inéluctable déchéance qui accompagne le noble art et ses dérivés, comme "Plus dure sera la Chute" ou "Raging Bull". "The Wrestler" fait partie de cette deuxième catégorie ; la période faste est expédiée pendant le générique, bande son off et travelling sur des affiches qui évoquent la gloire passée, avant que ne commence le véritable récit qui nous montre dans le vestiaire glauque d'un gymnase perdu, un Randy épuisé, couturé de partout et bouffi, qui reçoit une maigre poignée de dollars pour son combat.
On le devine très vite, cela fait longtemps que "le Bélier" a fait son combat de trop, et personne ne se fait d'illusion sur une possible résurrection. L'enjeu ne se situe pas dans un titre mondial ou un combat qui assurerait la fortune, il s'agit simplement de savoir si Randy réussira à se faire rouvrir sa caravane. La perspective d'une revanche de son combat historique contre l'Ayatollah (eh oui, il faut s'habituer, c'est comme ça le catch) ne ressemble en rien au come-back d'un Mohamed Ali ou d'un Foreman, mais plutôt à un coup monté par un promoteur jouant sur la nostalgie de quelques aficionados.
Car un des mérites de "The Wrestler" réside dans la description sans concession du monde du catch : scénarisation des combats dans les coulisses, surrenchère sanguinolente pour assouvir les bas instincts du public, circulation dans les vestiaires de produits qui ravalent le pot belge au rang de boisson light. Une scène terrible du film montre une séance de dédicace dans un local de l'American Legion, où d'anciens catcheurs hébétés, certains en fauteuil roulant, tentent de vendre des cassettes VHS de leurs combats passés à de très rares admirateurs.
Une fois posé ce décor, l'histoire n'a rien d'originale : confronté à l'obligation d'une retraite anticipée, Randy tente de suppléer la solitude née de l'arrêt des combats : il prend un emploi de vendeur dans un supermarché, essaie de dépasser la relation de client qu"il entretient avec une stripteaseuse, et tente de renouer le contact avec sa fille qu'il a laissé tomber des années avant. Bien sûr, toutes ces tentatives se traduiront par des échecs prévisibles, et selon des trames scénaristiques tout aussi prévisibles.
On sent très vite que la chose qui a intéressé Aronofsky, ce n'est ni l'histoire ni les personnages annexes, ni même la description pourtant réussie de ce milieu : le sujet du film, c'est la mise en abyme du personnage de Randy Robinson et de l'acteur Mickey Rourke, ancien boxeur, et comédien qui court à la poursuite de sa période de gloire, celle de "Rusty James", de "L'Année du Dragon" et de "Angel Heart".
Aronofsky a juste eu à charger un peu la barque de Mickey Rourke : chevelure longue et péroxydée, musculation intensive qui a fait gagner 17 kilos de muscles à celui qui n'était pourtant pas un gringalet, collant à paillettes. Mais le visage bouffi, les cicatrices du corps comme celle de l'âme ne sont pas des artifices de maquillage, mais bien les traces de la descente aux enfers du lauréat des Razzie Awards 1990.
C'est cette ambiguité qui ravira le public, et qui vaudra à Mickey Rourke la statuette de l'Academy, toujours friande de ce genre de destinée. C'est cette même ambiguité qui m'a très vite gêné, par la facilité voyeuriste qu'elle représente, et par l'exonération d'une originalité narrative et technique plus grande qu'elle offre au réalisateur.
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