"The Wrestler" est un film traitant le catch, un sport bien curieux, coincé entre le tapage de ses couleurs, de ses lumières, des cris du public, et la souffrance bien réelle des hommes qui s’ébattent sur le ring, est un sport considéré comme indigne, grosse montagne de kitsch, coup monté à ciel ouvert et dont personne n’est dupe, sa fausseté intégrale réclame pourtant le don de véritables lambeaux de chairs, versés en sacrifice. "The Wrestler" nous fait rentrer dans le sujet par la petite porte, en attaquant le catch par la voie dont on en sort : corps usé, esprit aliéné, par sa pente descendante. Randy « The Ram » Robinson, ancienne gloire du catch des années 1980 est tombé en désuétude. Suite à une traversée du désert de près de vingt ans, Randy écume les manifestations municipales pour reproduire tant qu’il le peut les gestes qui l’ont propulsé, à l’époque, à l’apogée de sa carrière. Pour joindre les deux bouts, il combine à ses performances du week-end des travaux de manutention au supermarché du coin. Le purgatoire commence quand cesse l’enfer de la saturation : à mesure que les matchs s’espacent, le monde extérieur et sa lumière crue refont surface. Quand, suite à un combat, l’icône déchue est frappée d’une crise cardiaque et qu’un médecin lui conseille d’arrêter la pratique trop violente du catch, Randy est mis face au vide abyssal de sa vie privée, à sa solitude presque totale, à tout ce qu’il n’a pas su construire à l’extérieur des salles de spectacle. L’histoire est bien connue : l’homme choisit l’autodestruction, l’imitation de la vie à la vie réelle, car c’est la seule existence qu’il connaisse, la seule où il soit encore capable d’un semblant de maîtrise. Même si elle a été maintes fois racontée, elle prend aux tripes avec une intensité inouïe, un peu comme dans le film "Fighter". Mickey Rourke prête ses traits à Randy, et signe l'une de ses plus belles performance. Mickey Rourke dont la carrière s’est soudainement interrompue, et qui s'était reconverti dans la boxe, remonte peu à peu dans l'industrie du cinéma. Refaisant surface dans quelques films sur les écrans, comme dans "Sin City", "Expendables" ou encore "Iron Man 2", on lui découvre un nouveau visage marqué par les excès, l’exercice du ring et la charcuterie esthétique. Une boursouflure où percent deux yeux, encore vifs, d’un noir profond, sur laquelle on retrouve, enfouis sous les irritations de la chair, les traits du gamin de l’époque. Rourke tire de ce masque de cire une expression fascinante, gonflée de douleur, pleine d’une révolte face au lisse totalitaire de ce qu’est devenu Hollywood. Quand Randy se bat, il y laisse des morceaux : déchirures, saignées, hématomes, vomissements, bris de verre incrustés dans la chair. Le public, devant cet autel moderne qu’est le ring, hurle et réclame un sacrifice. Pour continuer le spectacle, Randy doit à chaque fois y abandonner quelque chose de sa vie. C’est le contrat qui le lie à la scène, à la performance, ce qu’on lit sur le visage de Randy est le résultat direct de l’expérience réelle de Mickey Rourke. Toutes ces années passées en dehors des écrans de cinéma à se faire massacrer, il les offre en sacrifice au film, à la représentation qu’il donne de lui-même. A travers ce film, nous suivons parallèlement les relations houleuses entre un père et sa fille qu'il a abandonnée. Ces relation sont relativement bien traitée et crédibilisent ce drame profond. La BO est superbe, enfin un film qui ai pour bande originale des bons vieux morceaux de heavy metal comme Gun's N Roses ou encore Scorpions. La réalisation de Darren Aronofsky est irréprochable, s'appuyant sur une mise en scène soignée. Le rythme se veut haletant, sans aucune longueur ni temps mort. Peu de défauts, une morale remarquablement bien bien traitée et un casting exceptionnel où Mickey Rourke nous montre tout son talent d'acteur, font de ce "The Wrestler" un drame profond, émouvant, poignant et mémorable.