Un film incroyable, exceptionnel qui aujourd’hui encore, en 2015, a gardé toute sa fraîcheur, toute sa créativité. C’est un film « révolutionnaire » déjà à son époque, par sa forme, qui lui fait alterné les moments classiques de cinéma, du photo montage, du publi- reportage, des effets spéciaux,, l’usage de dessins , de toiles de fonds peintes ,( kromaki avant l’heure) de copiés/collés, et des optiques à la focale incroyable, ,.. Le scénario est solide et s’enchaine sur un rythme infernal, comme une valse époustouflante .De l’enfance du héros, de son environnement jusqu’à sa réussite dans le milieu de la presse, et son accès au statut de « Tycoon », puis sa folie mégalomaniaque. L’utilisation du personnage de Hearst, comme modèle, est très astucieuse. Quand on visite le vrai château de Hearst a San Simeon , en Californie , comme je l’ai fait cette année 2015, on comprend le génie de Wells, qui n’a rien exagéré, qui tournant ce film en 1940, arrive à anticiper le destin de Hearst qui ne mourra qu’en 1951 .. Il cerne le personnage et décrit bien tous ses forces et faiblesses. Et son final misérable annonce bien les difficultés qu’il devrait subir sur la fin de sa vie . C’est pour cela que Hearst mettra toute son énergie à empêcher la sortie commerciale du film car il montre bien le génie créatif, l’ opportunisme, l’ entrepreneur culotté, mais aussi le côté sombre , sa double vie ( il vivra avec sa maîtresse sans jamais divorcer de son épouse, une femme influente de la société WAPS de la côte est), la corruption, son rapport trouble avec la politique , candidat malheureux à des élections à plusieurs reprises ( y compris une présidentielle) ,et même , on sait maintenant que Hearst aura des « complaisances » avec l’ Allemagne Nazi, et était probablement du voyage du congrès Nuremberg en 1934 . Wells a un instinct formidable dans les choix et le traitement qu’il fait du personnage. Il se révèle lui même comme un magnifique acteur, avec une jubilation hors norme à être devant la caméra, comment un enfant qui fait joujou, presque naturellement . La scène du ballet des danseuses de revue est énorme, expressionniste, endiablée, presque vulgaire, avec le sourire narquois de Wells en plan de coupe. Toutes les scènes du château sont superbes (l’extravagance du château est réelle, il est bien comme cela et même « pire », encore plus loufoque). Le fameux travelling final est énorme, un des plus beaux plans de l’histoire du cinéma, peut-être le plus beau , un plan démoniaque qui fait l’inventaire de tous les biens de Kane, pour finir par un gros plan sur la luge de sa jeunesse , la Rosebud, qui est jeté et mise au feu . De toutes ses richesses, ce souvenir de son enfance est ce qui restait de plus précieux. Pour son premier film Welles a tout donné, a été au bout de lui même, avec une liberté de ton ,et une frénésie totale, tourné avec une équipe réduite, venant du théâtre, près à le suive dans ses délires .