Débuts des années 40. Orson Welles, un sombre inconnu qui a fait son petit bout de chemin, a 26 ans lorsqu'il passe pour la première fois derrière la caméra pour livrer au monde cette biographie fictive d'un magnat de la presse inspiré par un réel homme d'affaires de l'époque, William Hearst (qui tenta en vain d’empêcher la diffusion du film). Dès lors, Citizen Kane va bouleverser le cinéma et le marquer au fer rouge pour les siècles à venir. Car Citizen Kane est une leçon, une œuvre imparable, une pièce maitresse qui cloue le bec et qui émerveille. Citizen Kane est un chef-d'œuvre. Tout est pensé et mis en scène avec une perfection hors du commun : un scénario original composé de flashbacks, des acteurs issus du théâtre au diapason, une musique soignée et surtout une réalisation frôlant le génie où Welles, cinéphile studieux et perfectionniste, filme avec précision des plans mémoriaux, logiques, célestes. Chaque pensée, chaque cadrage, chaque scène impressionne et illustre parfaitement le génie artistique du réalisateur qui s'octroie également le poste de producteur, co-scénariste et rôle principal. Welles joue d'ailleurs brillamment ce Charles Foster Kane, enfant "vendu" à un riche financier qui va en faire un homme d'affaires important mais aussi un mari infidèle, un millionnaire excentrique, un fou vivant dans l'excès. Le film débute par sa mort, par un dernier mot (le légendaire "Rosebud"), par une enquête sur cette disparition. Que veut dire cet ultime mot ? C'est ce qu'un journaliste va tenter de découvrir en interviewant les personnes les plus proches de Kane, dévoilant ainsi sous différents points de vue sa vie tumultueuse. Faux biopic magistral, drame humain poignant, histoire d'amour touchante, peinture fabuleuse du classique Rêve Américain. Citizen Kane brasse tous ces thèmes pour en faire un long-métrage hypnotisant, parfait, impérissable, Orson Welles défiant alors toutes les règles pour livrer une vision noire tout en finesse. Certes, rien n'est vraiment à proprement parler original, ni le concept de la narration brisée en flashbacks, ni les incroyables jeux d'ombres et de lumières empruntés à l'expressionnisme allemand, mais force est d'admettre que disposer toutes ces qualités en un seul premier long-métrage est un tour de force désarmant. Au final Citizen Kane est un chef-d'œuvre qui ne peut pas vieillir et qui conserve encore en lui une foule d'émotions sans cesse surprenantes.