Avis sur Chasse au gang

Sorti en 1954, "Crime Wave" d'Andrè De Toth est une petite rèussite et a fortement influencè un certain Jean-Pierre Melville! La scène d'ouverture dans la pompe à essence donne le ton: ce sera un film noir qui se tourne vers une trame plus structurèe et plus audacieuse, avec un tournage en extèrieurs et un vif intèrêt pour le crime organisè et sa lutte fèroce contre les autoritès! Avec des gueules (Ted de Corsia, Charles Buchinsky alias Charles Bronson...) dont Sterling Hayden, ce gèant qui suce un cure-dents a un visage aussi tragique que celui de Robert Ryan! Tout comme lui, il a le physique d'un idèaliste meurtri! Avec sa photo en noir et blanc rèaliste qui joue pas mal avec les ombres et les lumières, le rèalisateur relate avec brio une histoire tout ce qu'il y a de plus normale et brutale d'une guerre quasi permanente entre policiers et gangsters! Le film est court mais De Toth va à l'essentiel! C'est bien là le principal...

André de Toth est resté dans les mémoires pour avoir été le « quatrième borgne d’Hollywood » en compagnie des illustres John Ford, Fritz Lang et Raoul Walsh. Né en Hongrie (1912-2002) où il réalisa cinq longs métrages à la fin des années 1930 avant d’émigrer à Hollywood où sa production sera de trente longs métrages réalisés entre 1942 et 1960, essentiellement des westerns (dont six avec Randolph Scott) entrecoupés d’incursions dans le film policier, le film de guerre ou d’épouvante. Personnage fantasque son aura a pris de l’ampleur après que des sommités telles Martin Scorsese ou Bertrand Tavernier en France qui préfaça son livre de mémoires aient vanté la qualité de son cinéma essentiellement axé sur l’efficacité. Avec « Chasse au gang » tourné en 1954 pour la Warner, De Toth livre un film policier de première main imprégné d’un style documentaire que l’on retrouve dans plusieurs films mémorables de l’époque comme « Détour » (1945) de George Edgar G. , « La cité sans voiles » (1948), « Les bas-fonds de Frisco » (1949), « Les Forbans de la nuit » (1950) et « Du rififi chez les hommes » (1954) tous les quatre réalisés par Jules Dassin mais aussi « Appelez Nord 777 » (1948) d’Henry Hathaway, « Les amants de la nuit » (1949) de Nicholas Ray ou encore « En quatrième vitesse » (1955) de Robert Aldrich. Inspiré d’une histoire de John et Ward Hawkins et mis en image par le grand chef opérateur Bert Glennon, « Chasse au gang » traite de la mission quasi impossible pour un ancien malfrat repenti après avoir purgé sa peine de se défaire de son passé qui d’une manière ou d’une autre finira toujours par le rattraper. Ici un ancien détenu qui après le braquage raté et sanglant d’une station-service vient mourir chez Steve Lacey (Gene Nelson) son ancien compagnon de cellule reconverti en mécanicien aéronautique. Lui et son épouse (Phyllis Kirk) se retrouvent rapidement pris dans un étau qui se resserre avec d’un côté la pression des malfrats en fuite et de l’autre celle d’un flic (Sterling Hayden) plutôt cynique qui jusqu’au bout se servira de Lacey comme d’une amorce. De Toth qui à l’image d’un Edgar G. Ulmer avait une réalisation reposant sur la concision narrative et la sobriété visuelle propose un long métrage de 73 minutes sans temps morts et aux enjeux parfaitement lisibles. De bonnes habitudes sans doute liées aux budgets souvent limités qui ont été la plupart du temps le quotidien du réalisateur hongrois. On saluera par ailleurs le charme gracile et le jeu très moderne d’une Phyllis Kirk trop méconnue. Idem pour la tronche patibulaire du toujours efficace Ted de Corsia grand second rôle des années 1950 et 1960 qui aura traîné son air mauvais et parfois sournois dans nombre de films de genre de l’époque. Enfin comment ne pas remarquer la formidable prestance et la « coolitude » d’un Sterling Hayden à son meilleur qui s’il avait mis davantage de cœur à l’ouvrage dans la gestion de sa carrière souvent entrecoupée par ses escapades maritimes et ses excès en tous genres, aurait aujourd’hui sa place au panthéon des grandes stars d’Hollywood de sa génération comme Robert Mitchum, Burt Lancaster ou Kirk Douglas

Magnifique, pour ce que trop de gens qualifient de petit film noir. C’est en vérité un chef d’œuvre, sans doute celui de De Toth, cinéaste fluctuant en qualité. Sterling Hayden y joue un beau rôle, à la fois ange et démon dans le strict intérêt de son métier de policier. J’ai rarement vu un polar qui semble aussi court tellement De Toth va à l’essentiel, nous avons à peine le temps d’admirer Phyllis Kirk une des actrices de Cukor. C’est un film que tout cinéphile doit connaître tellement c’est une leçon de réalisme ultra simple. Le scénario se prête parfaitement à la mise en scène qui donne l'impression d'une grande fluidité. On sent bien que le réalisateur voulait faire une sorte de documentaire, il ne ménage personne dans le milieu qu’il décrit, là ou les ‘’bisounours’’ n’existent pas…Policiers et voyous, chasseurs ou chassés, la différence entre eux est infime puisque les sensations éprouvées sont les mêmes. Cette leçon de cinéma est si enthousiasmante qu’une deuxième vision pourtant sans suspense vient tout de suite à l’esprit.

Les films noirs des années 40-50 ne déçoivent pas en règle générale. "Chasse au gang" fait partie de ces petits films policiers des années sombres que l'on redécouvre avec plaisir. André de Toth est connu pour la réalisation soignée de ses films, pour la plupart des séries B de bonne facture dont plusieurs westerns (Le cavalier traqué, La trahison du Capitaine Porter, La mission du commandant Lex…). Dans la cas présent, il met en scène un policier aux allures rogues (Sterling Hayden) mais efficace, qui se sert d'un ancien détenu affranchi (Gene Nelson) pour traquer une bande responsable de plusieurs méfaits et meurtres dans la région. On retrouve dans un petit rôle de malfrat un certain Charles Buchinsky (Bronson) qui fera par la suite une brillante carrière. Un film intéressant à découvrir ou à revoir.

Un bon exemple d'un polar plutôt réussi nous ramenant à cette époque ou tout allait + vite, sinon dans le ' modus operandi ' de ce ballet omniprésent de voitures-pies évidemment mille fois repris depuis. ( L'épisode du monde glauque de la nuit ainsi que des " cure-dents " est bien sûr à ne pas manquer. )