Parmi les grands films d’Argento, figure indéniablement Inferno. Celui-ci est un peu plus hermétique que Suspiria, et son mode de narration, tout en rupture peut déconcerter, mais le résultat est de grande qualité.
Le casting alterne des jeunes premiers, des habitués du cinéma d’Argento, et des acteurs expérimentés. Parmi les jeunes premiers, Leigh McCloskey, le héros. En fait c’est un peu dommage que ce soit lui, car je trouvais l’actrice du début, Irene Miracle, tout à fait charmante et bien dans la continuité de Suspiria. McCloskey ne s’en tire pas mal, mais il est clair qu’il est inférieur aux seconds rôles du film. Ceux-ci sont jouaient notamment par Daria Nicolodi, bien dans son rôle comme d’habitude, et quelques acteurs haut en couleur comme Sacha Pitoeff, tout à fait remarquable. Il incarne un antiquaire avec une force et un charisme impressionnant. Dans l’ensemble c’est convaincant.
Le scénario comme je le disais est déconcertant. Il se construit tout en ruptures, et du coup l’héroïne du début cède sa place après une bonne trentaine de minutes à un nouvel héros. Il y a des cassures assez nettes à chaque fois, et l’immixtion du fantastique s’avère souvent surprenante, notamment dans les sous-sols de la bibliothèque. Si clairement il y a une volonté de construire son histoire de manière originale, Inferno dépasse un peu Argento par moment, et celui-ci ne maitrise pas complètement son affaire, de sorte qu’en effet, Suspiria, avec sa narration toute simple, était mieux ficelé qu’Inferno. Néanmoins l’ensemble est tout à fait prenant, il y a des passages remarquables d’intensité, et au final si on se laisse happer par l’onirisme du métrage, il y a des anicroches qui s’effacent sans problème.
Sur la forme c’est la perfection. Là Argento est au sommet de son art. La mise en scène est brillantissime. C’est propre, c’est réfléchi, c’est audacieux, il y a une vrai personnalité dans ce film, on sent que c’est l’œuvre d’un réalisateur en particulier, et pas une œuvre quelconque. Il y a des moments magistraux, notamment dans le sous-sol de l’immeuble. La photographie est grandiose. C’est un peu plus sobre que Suspiria, mais il y a toujours cette magie des couleurs, ces contrastes de rouge et de bleu sublimes, cette flamboyance qui peut déplaire certes, mais qui indiscutablement a été l’objet d’une minutieuse étude. Les décors sont eux aussi très bons. Là encore plus sobre que Suspiria, ils sont néanmoins envoutants, avec un travail sur les matières, les textures, les accessoires, qui sont d’un raffinement rare. Coté horreur, Inferno est assez soft. En fait si les effets horrifiques ne sont pas mal du tout, ils sont assez peu nombreux, et comme dans Suspiria Argento se concentrent sur l’effet graphique plus que sur le réalisme des meurtres. Du coup le sang n’est pas crédible. Par contre coté effets spéciaux, présents à la fin, les 33 ans du film leur ont donné un coup fatal. Enfin la musique est brillantissime. Le thème du début notamment est une pépite à jouer au piano qui plonge tout de suite le spectateur dans une ambiance envoutante.
Pour conclure sur Inferno, voilà un film à voir pour tous les amateurs de cinéma Bis italien et plus largement, de fantastique. C’est une des sommités du film esthétique, proposant constamment une image d’une beauté effarante. Alors certes l’acteur principal n’est pas très bon, certes le scénario manque de précision, certes les effets spéciaux sont faibles, mais visuellement Inferno écrase la concurrence, porté par une mise en scène qui est peut-être la meilleure de toute la carrière d’Argento.