Moins connu que ses acolytes Chaplin et Keaton, Harold Lloyd connait le succès dans le cinéma burlesque grâce à son interprétation d’un jeune homme maladroit aux lunettes rondes, mais aussi grâce à son talent dans les cascades, une aptitude qui s’illustre dans la scène la plus célèbre de sa carrière, celle de l’horloge cassée au sommet d’un gratte-ciel de Los Angeles.
Un an avant de fonder son propre studio de production, Harold Lloyd obtient le premier rôle d’un nouveau long-métrage burlesque en 1924 : Monte là-dessus ! L’idée originale du film provient d’une anecdote vécue par Lloyd dans une rue de Los Angeles, lorsqu’il assista à l’escalade vertigineuse d’une façade d’immeuble par un acrobate. L’acteur proposa donc cette idée aux scénaristes, qui élaborèrent ensuite une histoire autour d’elle.
A Los Angeles, un garçon prénommé Harold, aux faibles ressources et à la vie modeste, rêve de faire fortune pour épouser celle qu’il aime (Mildred Davis). Il décroche alors un emploi dans un grand magasin. Alors qu’il manque d’être renvoyé, il propose à son patron de monter un gros coup publicitaire : l’escalade, par l’un de ses amis, de la façade du gratte-ciel du magasin. Mais le Jour J, traqué par un policier, l’ami en question ne peut réaliser cet exploit et Harold se retrouve contraint de prendre sa place.
Sur un rythme soutenu et haletant, Harold Lloyd s’amuse dans une série de gags ponctués de cascades, qu’il réalise majoritairement et dans lesquelles il fait preuve de tout son talent. Il faut dire que l’acteur a toujours tenu à réaliser lui-même ses propres cascades, ignorant souvent les risques qu’il encourt, notamment lors du tournage d’un film en 1919, où il perdit deux doigts. Cet accident l’obligea à porter un gant pour ses films postérieurs, une précision qui rend la cascade sur la façade de l’immeuble à la fin de Monte là-dessus ! encore plus remarquable. Cette scène emblématique pourrait résumer à elle-seule le style de Lloyd, facétieux et vertigineux.
Dès la première scène du film, Harold Lloyd exprime cette malice grâce un arrière-plan trompeur. En voyant ce qu’il semble être une corde de pendaison et des adieux larmoyants entre un homme et deux femmes, on imagine une entrée dramatique sur fond de peine de mort. Mais surprise ! Il s’agit simplement d’une séparation sur le quai d’une gare et le nœud coulant est un dispositif pour les postiers. Du génie.
Même si les difficultés financières du garçon sont le point de départ de toute l’intrigue, au contraire de Chaplin, on ne trouve pas de critique sociale sur la misère, Lloyd se consacrant exclusivement au genre burlesque et comique. Et c’est dommage, même si le monopole de la comédie est globalement bien maitrisé.
Monte là-dessus ! fait donc partie de ces films emblématiques de l’âge d’or du burlesque, dans les années 1920, pour sa frénésie et ses cascades vertigineuses. Le succès de ce film a sans doute été déterminé dans le choix de Lloyd de devenir indépendant pour la production. Toutefois, à titre d’analyse personnelle, le rythme devient assez lent au milieu du film et il faut attendre l’esquisse de la séquence d’escalade pour voir sa reprise. De plus, la succession ininterrompue des gags et cascades pendant plus d’une heure peut être assez lourde et lassante, et peut faire regretter le caractère moral et social d’autres œuvres du genre, comme celles de Chaplin. Enfin, précisons qu’au côté d’Harold Lloyd, sa compagne, Mildred Davis, prête ses traits à la dulcinée du garçon maladroit dans le dernier rôle de sa carrière avant d’être remplacée par Jobyna Ralston.